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Rescrit fiscal : focus sur les avantages (et les limites) de ce nouveau dispositif

Rescrit fiscal : focus sur les avantages (et les limites) de ce nouveau dispositif

 

- Une mesure tant attendue par les opérateurs, mais dont le champ d'application reste limité.

- Attention : l’absence de réponse de l’administration n’est pas un accord tacite.

 

 

Bien joué, diraient les contribuables. Le rescrit fiscal (ou Tax ruling en anglais) est enfin instauré dans le cadre de la Loi de Finances 2018. Il s’agit d’un grand pas en avant pour un jeune système fiscal tel que le nôtre.

Son objectif est, entre autres, de fournir une sécurité juridique au contribuable. Et, par ricochet, améliorer le climat des affaires. Mieux encore, il s’agit d’un nouvel enjeu pour l’administration fiscale, dont l’action prendra une forme prospective opposée à la situation qui a prévalu jusque-là, limitant son intervention à contrôler des actions passées. De quoi s’agit-il, plus précisément ?

Désormais, les contribuables peuvent demander à l’administration fiscale de statuer sur le régime fiscal applicable à leur situation.

«Le rescrit fiscal est une procédure légale, qui permet à un contribuable de pouvoir soumettre son projet à l’avis préalable de l’administration fiscale et donc d’obtenir la réponse formelle sur le traitement fiscal applicable à ce projet», explique Mohamed Hdid, président exécutif de la Fédération internationale des experts comptables et commissaires aux comptes francophones (FIDEF).

Et d’ajouter : «Plusieurs raisons sont à la base de l’adoption de cette mesure par la Loi de Finances 2018. On peut citer notamment le fait que c’est une demande des opérateurs économiques formulée lors des Assises de la fiscalité qui ont conclu à la nécessité de la mise en place d’une telle procédure, ou encore le rapport de 2012 sur le système fiscal du Conseil économique social et environnemental (CESE)».

Le président de la FIDEF prévient cependant qu’il ne faut surtout pas lier l’adoption de cette procédure à celle de la notion d’abus de droit instaurée par la Loi de Finances 2017.

 

Benchmark : une démarche d’amélioration

 

Contrairement à un pays comme la France (le contribuable peut demander si sa situation lui permet de bénéficier d’une réduction d’impôt), la demande de consultation préalable ne peut intervenir que lorsqu’il s’agit de projets d’investissement, d’opérations de restructuration des entreprises et d’opérations à réaliser entre entreprises marocaines ayant des liens de dépendance. Pour le président de la FIDEF, la loi a limité le champ d’application à ces trois domaines, probablement pour donner à cette nouvelle procédure une importance singulière par rapport aux questions classiques.

«Il s’agit aussi d’une démarche à titre expérimental et progressif qui pourra être élargie à d’autres domaines dans le futur», souligne Hdid, dont le souhait est de voir se développer le rescrit, même s’il est limité à ces trois domaines.

Qui sait ? Peut-être que cette restriction s’explique par le fait qu’actuellement les capacités de l’administration ne lui permettent de traiter que les trois domaines précités. Dans la note circulaire émanant de l’administration des impôts, il est écrit noir sur blanc que «la réponse de l’administration doit être écrite, motivée et envoyée au demandeur dans un délai ne dépassant pas trois mois à partir de la date de la réception de la demande».

Rien n’est pourtant expliqué quand la DGI ne répond pas dans le délai précité. Dans l'Hexagone, l’absence de réponse du fisc est considérée comme un accord tacite de sa part. Au Maroc, la circulaire est muette sur ce point, instaurant un flou quant à son interprétation.

«Le défaut de réponse de l’administration dans le délai de 3 mois n’est sanctionné par aucune disposition expresse du Code général des impôts (CGI). On ne peut donc conclure que le silence de l’administration traduit automatiquement son avis favorable sur le projet envisagé et le traitement fiscal proposé», explique Hdid.

Il n’en demeure pas moins que le silence non justifié donnera plus de chance à la conformité du montage et du traitement proposé et son opposabilité à l’administration fiscale.

En tout état de cause, le silence de l’administration vaut mieux qu’une réponse négative de sa part. Le dernier mot reviendra au juge de l’impôt, comme pour toutes les obligations fiscales contenues dans le CGI et non assorties de sanctions spécifiques, qui chaque fois qu’il est saisi, déterminera les conséquences à tirer de l’absence de la réponse de l’administration fiscale dans le délai légal de 3 mois.

Une chose est sûre : le rescrit fiscal est une avancée aux multiples enjeux dans la doctrine fiscale, mais le dispositif, tel qu’il est présenté actuellement, souffre des limites précitées, qui seraient certainement dépassées ultérieurement. ■

 


Quid de l’opposabilité ?

Contrairement à la France, le rescrit fiscal n’est pas publié et ne peut faire partie de la doctrine fiscale. Autrement dit, le cas d’un contribuable ayant procédé au rescrit fiscal ne peut être valable pour les autres. En ce qui concerne l’opposabilité de la réponse de l’administration, le président de la Fédération internationale des experts-comptables et commissaires aux comptes francophones répond :

«Bien entendu, la réponse de l’administration lui est opposable. Cette position formelle donnée reste valable tant que la situation de fait du contribuable, objet de la demande formulée, n’a subi aucun changement; les dispositions législatives et réglementaires en vigueur au moment de la prise de position formelle n’ont pas été modifiées».


 

 

Par Soubha Es-siari

 

 

 

 

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