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RC automobile : Ya-t-il entente sur les prix ?

RC automobile : Ya-t-il entente sur les prix ?

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Malgré la libéralisation des prix de l’assurance en 2006, les tarifs de la Responsabilité civile (RC) automo­bile ne bougent pas, laissant planer un soupçon d’entente entre les compagnies d’assurances. C’est à se demander à quoi sert la déréglementation !

Evoquer l’automo­bile, c’est toucher un domaine straté­gique et vital chez les compagnies d’assurances et même chez les intermédiaires (courtiers et agents généraux). Tous les assureurs grignotent, chacun sa dose, un gâteau qui s’agrandit d’année en année. Les derniers chiffres du secteur montrent que l’au­tomobile anime près de la moitié de l’activité «Non vie» et environ le tiers de l’acti­vité globale, toutes catégories confondues. Certes, les com­pagnies donnent l’impression de se livrer à une concurrence acharnée pour améliorer, ou du moins, protéger leur part de marché «automobile», mais ce ne serait que de la poudre aux yeux, diront les connais­seurs du marché. Il suffit de regarder les statistiques de la Responsabilité civile (RC), qui génère, à elle seule, près de 90% du montant global des primes émises au Maroc dans le segment de l’automobile. En effet, les tarifs de la RC sont les mêmes, au centime près, chez tous les opérateurs, et ce malgré la déréglementa­tion décrétée le 6 juillet 2006. Entente ou pas, la question n’a jusqu’ici jamais intéressé le Conseil de la concurrence et son président Mohamed Benamour, qui espère, un jour ou l’autre, exercer pleinement son nouveau pouvoir d’auto-saisine, faute de désignation de nouveaux membres.

Déréglementation graduelle !

Du côté de l’autorité de tutelle, à savoir la Direction des assu­rances et de la prévoyance sociale (DAPS), on réfute la piste de l’entente, privilégiant à sa place l’option d’une démarche voulue et réfléchie. Gardant toujours en mémoire le scénario catastrophe vécu en octobre 1995, suite à la liquidation, d’un seul coup, de cinq entreprises d’assu­rances, les gouvernements successifs auraient préféré opter pour une première phase de déréglementation progressive.

«Les compagnies se sont mises d’accord pour appliquer un tarif unique de la RC. En attendant la constitution d’une base de données très large pour pouvoir la tarifer correc­tement», reconnaît un diri­geant d’une entreprise d’as­surances. Mais en dehors de la RC, la concurrence s’exerce de manière notable au niveau des garanties annexes : incendie, vol, collision, bris de glace, etc.

«En vue d’éviter tout éventuel impact négatif d’une libérali­sation brusque des tarifs sur la solvabilité des entreprises, puisqu’il s’agit d’une branche représentant une part impor­tante de l’activité du secteur des assurances, la DAPS a jugé opportun de passer par une première phase durant laquelle les critères de tarifi­cation resteront fixés par voie réglementaire», nous confie un responsable au sein de l’autorité de tutelle. À ce titre, une liste de critères a été fixée par arrêté, tout en prévoyant la possibilité pour les entreprises d’assurances de demander au ministère des Finances l’autorisation d’utiliser des critères rela­tifs à la localisation géogra­phique du risque, aux parti­cularités du véhicule et aux caractéristiques de l’assuré. La DAPS, apprend-on de la même source, a également entamé un travail d’incitation et d’accompagnement des compagnies d’assurances en vue de fiabiliser leurs bases de données tarifaires et d’y intégrer de nouvelles variables pouvant être utilisées par la suite en tant que critères de tarification.

Pour pouvoir basculer vers une phase de segmentation tarifaire, l’un des préalables exigés serait de disposer de bases de données fiables. Mais, à ce jour, les com­pagnies, semble-t-il, ne dis­posent pas de statistiques pouvant justifier une éven­tuelle modification tarifaire. Les seuls critères retenus par les assureurs dans la défi­nition des tarifs remontent à l’époque du système admi­nistré des prix et couvrent, entre autres, la combustion (essence, diesel), l’usage (véhicules de tourisme, véhi­cules utilitaires, transport public de voyageurs), la puis­sance fiscale (nombre de che­vaux), le bonus-malus, etc. C’est dire qu’il reste encore du chemin à parcourir pour arri­mer les pratiques aux normes et références en vigueur à l’échelle internationale. Face à une réglementation ouverte à la segmentation tarifaire, la balle est décidément dans le camp des compagnies d’as­surances. Celles-ci peuvent néanmoins s’inspirer de l’expérience accumulée par leurs homologues à l’étranger qui proposent des tarifs dif­férenciés selon la couleur du véhicule (une voiture de cou­leur rouge a plus de chances d’avoir un accident qu’une voiture grise, ce qui fait donc varier le prix de l’assurance), le sexe (risque d’accidents étant plus élevé chez les hommes) ou encore selon l’âge (cer­tains assureurs européens imposent une surprime pou­vant aller jusqu’à 100% aux jeunes nouvellement titulaires d’un permis de conduire).

Le «rabais saharien»

Les véhicules immatriculés dans les provinces du Sud continuent de bénéfi­cier d’une réduction, dite saharienne, (une baisse de l’ordre de 40% du tarif de la RC). Celle-ci a été décrétée pour la première fois en 1978 et les com­pagnies d’assurances ont décidé volontairement de maintenir cet avantage tarifaire malgré la libéralisation en 2006. Quand on voit l’ampleur des pra­tiques frauduleuses nées de ce «rabais saharien», on se demande quand la libéralisation sera-t-elle 100% effective ?

Wadie El Mouden

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