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IFRS 9 : un sérieux test pour les banques

IFRS 9 : un sérieux test pour les banques

 

- Les banques marocaines subiront une légère pression sur leurs fonds propres et sur le coût du risque.

- En matière de crédit, la notation des entreprises va davantage jouer.

 

 

La norme IFRS 9 est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2018, et les banques marocaines opèrent les derniers réglages pour l’implémenter dans les délais impartis.

Les établissements bancaires devront publier leurs comptes consolidés relatifs au premier trimestre 2018 en intégrant cette norme qui, rappelons-le, chamboule complètement la manière de constituer les provisions.

Les banques seront désormais tenues de provisionner l’ensemble de leurs créances, même celles qui ne présentent aucun signe de détérioration, alors qu’actuellement, elles ne provisionnent que lorsque l’incident de paiement est constaté.

Bank Al-Maghrib a récemment accordé un délai de grâce aux banques concernées. En effet, un délai additionnel de deux mois est accordé par rapport au délai réglementaire. Ainsi, la publication de ces comptes devra intervenir au plus tard fin juillet 2018, au lieu de fin mai 2018.

Cette période de grâce doit permettre aux commissaires aux comptes (CAC) de certifier la première application de la norme IFRS 9.

 

«Pas des milliards…»

 

La question qui est inévitablement posée concerne l’impact chiffré de cette norme sur les comptes d’exploitation. Les patrons de banques sont unanimes à dire qu’il y aura un impact sur les fonds propres, mais sans avancer d’estimations précises. «Nous n’avons pas de chiffres encore arrêtés de l’impact de la norme sur les comptes, car le modèle est en cours de finalisation. Cela devrait engendrer une légère augmentation du coût du risque. Mais cela ne se compte pas en milliards de DH», a déclaré Ismail Douiri, Directeur général

d’Attijariwafa bank, en conférence de presse de présentation des résultats.

Récemment, l’agence Fitch s’est risquée à une estimation de cet impact. «Les capitaux propres des banques marocaines subiront la pression de l'introduction de l'IFRS 9, mais les grandes banques ne devraient pas passer sous les ratios de fonds propres minimaux. Nos discussions avec les banques marocaines indiquent que les provisions pour pertes sur prêts en vertu d'IFRS 9 pourraient réduire les ratios d'adéquation des fonds propres de première catégorie jusqu'à concurrence de 2 points de base», souligne Fitch.

Des sources bancaires marocaines affirment que les effets négatifs attendus sont de l’ordre de 10 à 20 points de base sur les ratios de solvabilité.

En Europe, où la norme entre aussi en vigueur, une étude rapporte que les deux tiers des banques sondées disent prévoir une hausse allant jusqu’à 18% de leurs provisions en conséquence des nouvelles normes. La hausse moyenne ressort à 13% pour l’ensemble des répondants.

Ceci étant dit, Mohamed Benchaâboun, PDG du Groupe Banque Centrale Populaire, voit les choses d’un bon œil : «Tout cela nous tire vers le haut». Cette norme «nous oblige à nous structurer, à renforcer nos ressources humaines, mais également à chercher des fonds propres supplémentaires», mais ne devrait en aucun cas constituer un obstacle aux velléités de développement de la banque.

 

La notation va prendre tout son sens

 

Si l’impact sur les fonds propres ne semble pas inquiéter outre mesure les établissements bancaires, qu’en est-il de l’impact sur la distribution de crédit ? Le fait de constituer une provision dès l’octroi d’un prêt, y compris sur les crédits sains, ne va-t-il pas amener les banques à se montrer davantage sélectives et plus regardantes sur les financements, notamment pour les dossiers les moins bien notés ?

«Il n’y aura pas d'impact sur la distribution de crédit, car cette norme n'implique pas de ségrégation. Toutes les banques sont tenues de l'appliquer», estime Benchaâboun.

Même son de cloche du côté de Ahmed Rahhou, PDG de CIH Bank, qui soulignait récemment dans nos colonnes que cette nouveauté règlementaire ne devrait pas bloquer l’investissement.

Le patron de CIH Bank souligne en revanche que, désormais, la notation des clients va davantage jouer, puisque c’est précisément le scoring de l’entreprise qui va conditionner le montant à provisionner, en fonction de la qualité de l’emprunteur.

Ismail Douiri ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme qu’avec la norme IFRS 9, la «notation prendra tout son sens». En effet, dans le dialogue d’une banque avec son client, et vu son profil, sa capitalisation, son secteur d’activité, sa gouvernance etc., le scoring va davantage conditionner le coût du crédit. Autrement dit, soit l’entreprise est mal notée ou voit son score se détériorer, auquel cas, le financement fera l’objet d’une facturation supplémentaire. Soit l’entreprise est bien notée ou améliore son scoring et, dans ce cas, le crédit sera moins cher. ■

 

 

Amine Elkadiri

 

 

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