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Gestion des risques de change : Il faut désormais budgétiser les stratégies de couverture

Gestion des risques : Il faut désormais penser stratégie de couverture et la budgétiser

 

Entretien avec Khalid Aabid, responsable de la Vente Corporate à la direction Marchés des capitaux à la Société Générale. Il nous éclaire sur les paramètres déterminant le prix de ces instruments et la politique à adopter.

 

 

Finances News Hebdo : Après l’entrée en vigueur de la flexibilité du régime de change, quels sont les nouveaux risques contre lesquels doivent impérativement se prémunir les opérateurs économiques ?

 

Khalid Aabid : Il n’y aura pas de nouveaux risques, mais les risques qui existaient auparavant seront plus importants. En d’autres termes, les facteurs qui déterminaient la valeur du MAD face aux autres devises demeurent inchangés, à savoir : l’évolution de l’EURUSD d’une part, et la liquidité du marché en devises, d’autre part.

C’est ce dernier facteur, la liquidité, qui est désormais un élément important depuis l’élargissement de la bande de cotation à l’intérieur de laquelle le MAD peut évoluer librement en fonction de l’offre et de la demande sur le marché local. Cette bande est passée la semaine dernière de 0,6% à 5%.

 

 

F.N.H. : Interrogés sur un éventuel recours aux instruments de couverture contre les risques de change, les opérateurs pointent du doigt leur prix cher. En tant que représentant de la salle des marchés de la Société Générale, quel est votre point de vue ?

 

Kh. A. : Lorsque nous parlons prix de couverture, il faut faire la distinction entre les différents produits, mais aussi entrer dans le détail de la structure de prix de chaque produit.

Par exemple, il est communément accepté chez les importateurs que le prix du change à terme EURMAD et USDMAD est élevé. En réalité, le prix dépend principalement du différentiel de taux qui fait ressortir un cours de change à terme plus élevé que le cours au comptant.

Là où les importateurs trouvent le prix de ces couvertures cher, les exportateurs qui bénéficient d’un cours plus élevé à terme que le cours au comptant auquel ils vont céder leurs devises contre MAD, trouvent en revanche que ce cours est très avantageux.

D’autres instruments, tels que les options, sont considérés chers car la prime décaissée est perdue en cas de non exercice de l’option. En revanche, la couverture optionnelle permet à l’entreprise de se couvrir contre un mouvement adverse en gardant la possibilité de bénéficier d’un mouvement favorable.

Une combinaison d’options (par exemple un tunnel) permet de couvrir le mouvement adverse en limitant le bénéfice d’un mouvement favorable. Le coût sera différent.

En filigrane derrière cette notion de coût et de mix produits, il y a la budgétisation et la détermination d’une politique de gestion des risques marchés. Il faudra à l’avenir penser stratégie de couverture et combinaison de produits dans le cadre d’un budget de couverture. Cela implique également une gouvernance des entreprises qui s’adapte à ce nouveau marché, car la couverture de ces risques sera de plus en plus un facteur de compétitivité.

Dans cette optique, la relation entre l’entreprise et son banquier devient clé pour aboutir à un objectif d’optimisation de la gestion de ces risques.

 

 

F.N.H. : Dans le même sillage, quels sont les paramètres qui déterminent le coût des instruments de couverture ?

 

Kh. A. : Il faut d’abord comprendre que le prix d’un produit qu’achète une entreprise pour couvrir son risque marché correspond lui-même au prix auquel la banque couvre ce produit.

Par exemple, lorsque nous vendons l’EUR contre MAD à 3 mois à une entreprise, nous allons immédiatement nous couvrir en empruntant le MAD à 3 mois, en le vendant contre EUR et en plaçant l’EUR à 3 mois. De manière à ce qu’à terme dans 3 mois, nous soyons certains de disposer des EUR pour les livrer au client, et que nous ne restions pas en risque sur le MAD.

Nous voyons donc que le prix du change à terme dépend du cours de change au comptant, mais aussi du taux d’emprunt du MAD et du taux de placement de l’EUR.

C’est ce différentiel de taux qui fait que plus l’échéance est lointaine, plus le prix du change à terme à l’import sera élevé (dans la structure actuelle des taux MAD et EUR, car cela nous coûte plus cher d’emprunter le MAD que de placer l’EUR).

Pour les options, le prix dépend de la volatilité de l’actif sous-jacent. S’il s’agit d’une option de change sur l’EURUSD, elle dépend de la volatilité de l’EURUSD.

 

 

F.N.H. : A l’intérieur d’une bande de fluctuation de 2,5%, les opérateurs ont-ils besoin plus qu’avant d’instruments de couverture ? De nouveaux outils verront-ils le jour ?

 

Kh. A. : Dans un contexte de plus forte volatilité, les entreprises marocaines comprennent que ne pas couvrir une importation, une exportation, un financement en devises, ou tout autre flux à l’international, fait naître un risque de change qui expose ladite entreprise à introduire cette volatilité dans son compte de résultat.

C’est donc naturellement que nous verrons très probablement un basculement d’une partie des opérations au comptant vers des opérations de change à terme, qui restent la manière la plus certaine et la plus simple de se prémunir contre le risque de change.

Quant aux nouveaux instruments, plus le marché et le système de cotation vont évoluer, plus nous irons vers des produits qui répondent à des besoins spécifiques de chaque entreprise, adaptés à chaque profil de risque. Cela se fera uniquement grâce à un échange étroit entre les banques et les institutions de tutelle afin que la réglementation évolue également et introduise la possibilité de développer d’autres solutions. Aujourd’hui, les instruments à la disposition des entreprises marocaines permettent de couvrir parfaitement les risques marchés. ■

 

 

 

Propos recueillis par S. Es-siari

 

 

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