Le Maroc aborde la dernière ligne droite pour implémenter, au niveau de sa réglementation fiscale, la loi américaine FATCA (voir encadré), qui devrait entrer en vigueur prochainement, dès cette année fort probablement, comme nous l’ont confirmé plusieurs sources.
«Les négociations entre gouvernements marocain et américain sont bien avancées», nous informe ainsi le dirigeant d’une banque de la place ayant requis l’anonymat. Est-ce pour ce début de 2018 ? Difficile de répondre avec certitude, tant les informations filtrent peu et le gouvernement cultive une forme d’omerta sur la question.
Il faut dire que le sujet est «d’une extrême sensibilité», nous avoue-t-on. «On relève tout de même que la Loi de Finances 2018 a prévu une disposition spécifique à l’échange automatique des données à des fins fiscales», explique notre interlocuteur.
Du côté de la Direction générale des impôts (DGI), en charge des aspects techniques, on assure que le dispositif qui doit permettre de remonter au Fisc US les informations sur les clients de nationalité américaine, collectées auprès des banques, est prêt, et que l’on attend le feu vert des autorités.
«Les négociations avec les autorités américaines sont menées au niveau de la primature et du ministère des Affaires étrangères. Elles sont bien avancées, il ne reste que quelques ajustements à faire», nous informe Omar Faraj, Directeur général des impôts.
«Une fois l’entrée en vigueur effective de la loi, nous commencerons à remonter les données collectées vers le Fisc américain», poursuit-il.
Les banques sur le qui-vive
Du côté des banques, principales institutions concernées par ce dispositif, on assure que le chantier est très bien avancé.
«Un projet de mise en conformité de la banque vis-à-vis de la loi FATCA a été entamé dès l’avènement du texte et il est bien avancé dans ces divers aspects (processus, qualification des données, outils afférents)», souligne un responsable de banque. Inutile de préciser que cette mise en conformité est plutôt coûteuse pour les établissements bancaires, au regard du nombre limité de clients américains concernés au Maroc (quelques milliers de comptes, tout au plus).
Cependant, ces questions étant traitées au niveau de la Banque centrale, en concertation avec le GPBM (Groupement professionnel des banques au Maroc), il n’y a pas, à ce stade, de directives formelles autorisant une quelconque collecte d’informations à travers les formulaires FATCA auprès de clients identifiés comme potentiellement américains.
Le gouvernement serait bien inspiré de hâter la conclusion de l’accord. Car, bien qu’au Maroc le nombre de clients américains et/ou ayant des indices d’américanité (ce que la loi Fatca appelle les US Persons) est relativement peu significatif, il n’en demeure pas moins vrai que l’impact d’une telle réglementation extraterritoriale est potentiellement important.
Et pour cause, tant que l’accord entre les administrations marocaines et américaines n’impose pas une mise en conformité vis-à-vis de FATCA, certains partenaires à l’échelle internationale (principalement les banques correspondantes) peuvent, eux, se préoccuper de la prévalence dans les établissements bancaires marocains de ce dispositif de conformité et, partant, être amenés à limiter leur business dans notre pays. Il y a également le risque de subir des retenues à la source punitives de 30% sur tous les revenus et les avoirs de sources américaines.
Un tel accord viendrait ainsi lever les obstacles légaux à une mise en conformité, notamment en matière de secret professionnel, de protection des données personnelles, ou encore au niveau du Code général des impôts. ■
FATCA, instrument de la toute puissance américaine
FATCA, ou «Foreign Account Tax Compliance Act», est une réglementation américaine de portée extraterritoriale, mise en place par l’IRS, l’administration fiscale américaine, adoptée en 2010 et entrée en vigueur en 2014.
Cette réglementation vise à lutter contre l’évasion fiscale des contribuables américains détenant des actifs financiers hors des Etats-Unis. Elle oblige ainsi les banques des pays ayant accepté un accord avec le gouvernement des États-Unis à signer avec le département du Trésor américain un accord dans lequel elles s'engagent à lui communiquer tous les comptes détenus par des citoyens américains.
Les institutions financières «récalcitrantes» se verront appliquer un prélèvement à la source de 30% sur tout revenu de source américaine et sur tout produit de vente brut de valeurs américaines par leurs dépositaires américains ! Bien plus grave, ces institutions dites «non participantes» pourraient à terme se voir refuser l’accès aux marchés de capitaux aux Etats-Unis et au Dollar.
Techniquement, une façon de se sortir des filets de FATCA consiste pour les binationaux concernés à abandonner leur citoyenneté américaine. Par ailleurs, certaines banques en Europe, généralement de petite taille, ont tout simplement décidé de ne plus avoir de compte appartenant à des US Persons pour s’épargner une couteuse mise en conformité. ■
A.E