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Dirham/CEDEAO : ne pas mettre la charrue avant les bœufs

Dirham/CEDEAO : ne pas mettre la charrue avant les bœufs

 

Le Maroc s'est engagé à l'adhésion à la monnaie unique que la CEDEAO compte mettre en place. Des voix s’élèvent déjà pour avertir sur les conséquences néfastes sur l’économie nationale. D’autres, plus prudents, estiment, qu’au stade où nous en sommes, parler de l’adoption de cette monnaie est très prématuré.

 

 

Le Maroc a officiellement exprimé le souhait d’adhérer à la CEDEAO le 24 février dernier. Dimanche 4 juin à Monrovia (Liberia), la Conférence de cette organisation a donné son accord de principe à la demande d’adhésion du Maroc. Aujourd’hui, ce dossier suit son cours et semble être sur la bonne voie.

En effet, l’adhésion du Royaume à la CEDEAO devrait être confirmée le 16 décembre prochain à Lomé (Togo), lors de la prochaine session ordinaire de la Communauté. Dans les coulisses cependant, un important travail juridique est en train d’être fait. D’abord, du côté de l’organisation : la commission de la CEDEAO doit ainsi examiner les dispositions juridiques à adapter pour rendre cette adhésion effective. Côté marocain, il s’agit d’entreprendre un travail juridique par rapport aux textes fondateurs de la CEDEAO. Ce volet juridique devra être complété par un travail technique, lequel permettra par la suite de négocier les différents secteurs et domaines qui constituent l’acquis de la CEDEAO.

Mais, d’ores et déjà, se pose la problématique de la monnaie unique que la CEDEAO compte mettre en place. Le Maroc va-t-il et doit-il abandonner le Dirham au profit de cette nouvelle monnaie unique ? Ces questions, qui semblent de loin très prématurées, suscitent néanmoins beaucoup de débats. Et l’une d’entre elles a été déjà tranchée. Par le Souverain notamment, si l’on en croit le président de la Commission de la CEDEAO, Marcel De Souza. En effet, le mardi 29 août à Rabat, lors de sa rencontre avec Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, De Souza a laissé entendre que le Maroc était disposé à adopter la future monnaie unique de la CEDEAO. Le responsable de l’organisation ouest-africaine a ainsi déclaré que le Roi Mohammed VI a indiqué dans une lettre que «le Maroc s'engage à l'adhésion à une monnaie unique le jour où elle sera adoptée par la CEDEAO».

L’abandon futur du Dirham semble donc être acté. Mais cette perspective ne séduit pas certains observateurs qui souscrivent certes à l’adhésion à la CEDEAO, mais sans pour autant adopter la monnaie unique, anticipant déjà les conséquences sur l’économie marocaine. En faisant référence à l’Euro, ils estiment que cette monnaie unique profitera plutôt aux pays à forte croissance et augmentera l’inflation, tout en contribuant au déséquilibre d’une économie nationale qui reste encore fragile.

 

Une question prématurée

 

Pour d’autres, il est encore trop tôt pour parler de l’abandon du Dirham. C’est notamment la posture qu’a adoptée Abdellatif Jouahri quand il s’est exprimé sur ce sujet lors du Conseil de Bank Al-Maghrib en décembre dernier. «Avant de venir à la question de la monnaie, il faut d’abord se situer par rapport à tout ce qui régit la CEDEAO, l’existant. Qu’on passe en revue les aspects juridiques, politiques, etc. La monnaie unique est le stade final de toute intégration économique, budgétaire et fiscale», avait-il notamment déclaré.

 


"Il ne faut pas concevoir une monnaie unique comme un point de départ, mais plutôt comme une ligne d’arrivée".


 

Omar Fassal, responsable du Développement de l'investissement à l'international à CDG Capital, ne dit pas autre chose. Selon lui, «il ne faut pas concevoir une monnaie unique comme un point de départ, mais plutôt comme une ligne d’arrivée. Il faut d’abord construire une aventure commune basée sur des valeurs culturelles réciproques, et en cela la proximité culturelle entre le Maroc et nombre de pays africains n’est plus à démontrer. Il faut également construire un espace fortement intégré d’un point de vue économique, financier, fiscal, douanier et même budgétaire, qui permette une mobilité facilitée des biens, des capitaux et des personnes».

En cela, «la monnaie unique ne peut être conçue que comme la résultante de ce long processus, qui permet de l’amener à terme», fait-il remarquer, tout en donnant l’exemple de l’Euro qui n’est pas le point de départ de la construction européenne, mais plutôt l’une de ses finalités.

«La construction européenne a commencé avec la Communauté européenne du charbon et de l'acier dès le début des années 50, avant d’arriver à une monnaie commune un demi-siècle plus tard. Il faut garder cela en tête. L’Euro a été inventé, entre autres, pour mettre en place un système monétaire stable qui mette un terme aux nombreuses dévaluations», souligne Fassal. Non sans préciser que «même après avoir été sauvé par la BCE en 2011, certains pensent toujours que l’Euro est voué à disparaître un de ces jours, car les politiques économiques et fiscales des différent pays n’ont pas été suffisamment harmonisées en amont avant de concevoir une monnaie commune, qui est le reflet d’une politique monétaire commune». «Apprenons donc de ces erreurs, en procédant par pallier», conclut-il.

A l’évidence, même si le Maroc s’est engagé à adopter la monnaie unique de la CEDEAO, ce sera à long terme. Après avoir mis en place une véritable convergence économique et fiscale.

Cette perspective suscite déjà une autre question : enterre-t-elle définitivement le dossier relatif au passage à un régime de change plus flexible ? ■

 

Par D. William

 

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