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Bourse de Casablanca : Ça baisse, et ce n'est pas fini

Bourse de Casablanca : Ça baisse, et ce n'est pas fini

 

8 mois de baisse, du jamais vu depuis 10 ans.

Les menaces qui guettent le marché.

 

C’est un rude anniversaire de la crise de 2008 que célèbre la Bourse de Casablanca. Elle vient d'achever en octobre une série rare de huit mois consécutifs de baisse, puisqu'après un bref rallye entre janvier et février, le marché actions n'a fait que dégringoler cette année, sous le poids d'une succession d'événements défavorables. Il faut remonter à 2008 pour retrouver une série similaire où l'indice Masi avait baissé pendant 8 mois. Et si les raisons ne sont pas les mêmes, ni la volatilité et les volumes, les conséquences, elles, peuvent être identiques.

 

Au jeu des 4 ressemblances

Comme en 2008, année de l'éclatement de la dernière crise financière, le marché actions marocain vient donc d'achever 8 mois de baisse. Les plus optimistes nous feront remarquer que le marché n'a pas baissé plus que cela en 2008, et qu'il est donc possible que le mois d'octobre 2018 signe à son tour la fin de la séquence baissière. Mais, en 2008, la Bourse avait lâché 37% de sa capitalisation boursière entre le point le plus haut et le plus bas de l'année pendant ces fameux 8 mois de correction. Nous ne sommes qu'à -19% actuellement depuis le sommet récent, alors que depuis le premier janvier, les pertes avoisinent «seulement» -12%.

Une autre similitude avec 2008 est à chercher du côté des internationaux, qui ont débouclé à l'époque leurs positions sur le marché actions marocain. Le même constat est fait cette année où, en mai et en septembre 2018, les opérateurs ont constaté que des internationaux avaient tendance à déboucler leurs positions acheteuses. Ceci, bien entendu, toute proportion gardée, étant donné que les étrangers sont structurellement moins présents sur notre marché local depuis que nous sommes considérés Frontiers au lieu de Emergents par l'éditeur d'indice MSCI.

Un autre phénomène rappelle l'année 2008. Il s'agit de l'aversion mondiale au risque. A l'époque, la finance mondiale traversait une période de peur et le repli était la solution la plus plébiscitée. Tous les actifs risqués de type actions en ont souffert, et ce partout dans le monde. En 2018, une crise de confiance globale semble de nouveau s'installer : une grande partie des pays dits frontiers et émergents est entrée dans des Bear Market (marchés baissiers), alors que les économies fortes, à leur tête les Etats-unis, montrent de grands signaux de faiblesse sur leurs indices. Comme en 2008, la sensation d'un repli mondial sur les actions se fait de plus en plus forte. Mais à cette époque, la baisse était plus sévère et plus volatile. Mais le point de départ de la correction était aussi plus haut, avec des valorisations stratosphériques pour des secteurs matures comme les banques, les télécoms, le BTP et l'immobilier.

 

Cocktail dangereux de nouvelles menaces

Le marché financier marocain collectionne les signaux négatifs depuis le début de l'année. On peut citer la faible croissance du crédit malgré des taux bas, les dérapages budgétaires dans un contexte social tendu, des secteurs névralgiques comme l'immobilier et le BTP en manque de dynamisme et des phénomènes plus «techniques», comme l'impact des privatisations qui, avant de faire du bien, peuvent peser sur le marché. Le socle de toute appréciation, la confiance, semble aussi instable, tant les opérateurs se demandent si l'Exécutif a vraiment la capacité de relancer l'activité économique.

Le gouvernement a en tout cas démontré qu'il était incapable de gérer les différentes crises de société traversées depuis 18 mois. De la grogne sociale au changement d'horaire, en passant par le boycott, nous avons toujours eu cette sensation que les dossiers sont gérés dans l'improvisation et que le souci n'est plus d'améliorer le moral des ménages et des industriels ou de répondre aux revendications, mais plutôt de calmer les réseaux sociaux. Cette attitude, même sur des dossiers en apparence secondaires, pousse pas mal de gestionnaires à revoir leurs primes de risque à la hausse. Rappelez-vous comment l'immolation d'un jeune tunisien, il y a 7 ans, avait dégradé la qualité des actifs dans toute la région Mena pendant des années. 

 

Des résultats qui plafonnent

La micro donne hélas raison à la macro, puisque la majorité des analystes anticipe une croissance plus faible des bénéfices cette année, voire une contraction. La recherche d'Upline estime par exemple que son univers de valeurs, représentant  66% du RNPG agrégé de la cote en 2017, devrait afficher des bénéfices en recul de 2,6% cette année. Cette perception de marché fait de plus en plus consensus et le mot déception est utilisé à profusion par les professionnels.

De quoi donner un peu plus le vertige aux petits porteurs qui ont vu fondre en quelques mois leur épargne, d'autant plus qu'ils sont attirés, comme hypnotisés, par les secteurs qui décrochent le plus. Les professionnels, eux, conseillent de surpondérer les valeurs défensives et d'adopter une approche de stockpicking en regardant du côté des télécoms, de quelques bancaires ou de quelques valeurs du BTP et du ciment. C'est d'ailleurs dans ces secteurs que l'on retrouve les grandes capitalisations qui ont décroché le moins cette année. Pas évident pour un particulier de s'y retrouver !

 

De la correction au Bear Market

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On parle d'un Bear Market lorsqu'un marché boursier décroche de plus de 20% depuis son dernier sommet sur un an. Et en la matière, la Bourse de Casablanca en a connu trois durant les 30 dernières années. Assisterons-nous à un quatrième en 2018 ? La question se pose puisqu'en début d'année, l'indice Masi marquait son plus haut annuel vers 13.390 points.

Autour de 10.900 points actuellement (7 novembre 2018 ndlr), l'indice est à -19% depuis son haut récent. Nous sommes donc à moins de 2 points de pourcentage d'une baisse de 20% et du fameux statut de Bear Market. Il faudra, pour cela, passer sous les 10.700 points. Sur les 30 dernières années, un premier Bear Market a démarré en 1998 et a duré jusqu'en 2002. La Bourse y a perdu 51%. C'est le plus long Bear Market détecté et le marché en est sorti avec la série de réformes du début des années 2000. Le second marché baissier a démarré en 2008 où les pertes ont atteint 38%. Le troisième Bear Market a démarré en 2011 avec le Printemps arabe. Là aussi, la Bourse a perdu près de 38% après le démarrage du Bear Market. Ces statistiques se rapprochent de celles constatées sur les marchés développés. Il est en effet de notoriété qu'un Bear Market, une fois déclenché, se poursuit pour atteindre un maximum autour de -40%. Le marché marocain respecte cette logique pour le moment. Ces types de signaux sont utilisés dans les stratégies passives des gérants qui répliquent les indices MSCI par exemple. L'entrée en Bear Market peut de nouveau déclencher des ventes quasi automatiques de la part de ces gérants internationaux. Les valeurs les plus représentées dans l'indice MSCI FM seraient naturellement les plus exposées. A travers le monde, la plupart des pays émergents et frontiers sont entrés en Bear Market cette année. Les indices FTSE sont déjà dans cette configuration. D'ailleurs, au premier novembre 2018, 43% des 40 plus grandes Bourses mondiales, dont 50% sont des émergents, sont en Bear Market. Début octobre, 1 marché actions sur 2 à travers le monde était dans cette configuration.

 

Le poids des privatisations

C'est aussi un phénomène qui risque de peser sur le marché actions pendant les mois à venir. L'Etat veut privatiser certaines de ses entreprises et a budgétisé 5 Mds de dirhams au minimum pour 2019. Le ministre des Finances avait clairement indiqué que ce qui est budgétisé sera réalisé. Mais, pour atteindre cet objectif, les opérateurs anticipent que l'Etat vendra partie ou totalité de ses participations résiduelles dans des entreprises publiques déjà privatisées et cotées comme Maroc Telecom et Marsa Maroc. Ceci lui ferait gagner du temps.

C'est ce qui explique les volumes importants enregistrés sur ces deux valeurs dernièrement, les opérateurs vendant pour se positionner plus bas et profiter d'une prime d'émission, comme cela a toujours été le cas pendant ces opérations. Et lorsque l'on sait que ce sont deux des plus grandes capitalisations du marché que les gérants attendent de récupérer plus bas, on imagine l'impact baissier sur l'indice général. ■

 

Par Adil Hlimi

 

Ce que dit l'analyse technique

Pour les chartistes, l'indice Masi est entré dans une nouvelle tendance baissière dès le passage sous 12.750 points en mai dernier, inscrivant depuis cette date des hauts et des bas de plus en plus bas. Sur les niveaux actuels, l'indice corrige 50% de sa hausse depuis les bas de 2013, ce qui peut représenter une base solide pour lancer un rebond technique à court terme. De plus, les dernières semaines ont été marquées par la formation d'une figure de retournement dite en biseau, de quoi conforter un probable rebond technique sur un horizon court. Ceci, sans remettre en cause les implications baissières à moyen terme et un probable point de chute autour de 10.500 points, qui ne sera écarté qu'en cas de dépassement de 11.500 points.

 

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