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Banques participatives : le refinancement auprès des maisons-mères doit être strictement encadré

Banques participatives : le refinancement auprès des maisons-mères doit être strictement encadré

Abderrafi El Maataoui, consultant spécialiste en finance de marchés et en finance participative


 

Les banques participatives ont été autorisées à se refinancer auprès de leurs maisons-mères après le retard des Sukuks et la consommation d'une bonne partie de leurs fonds propres. Abderrafi El Maataoui, consultant spécialiste en finance de marchés et en finance participative, diplômé «Auditeur et Consultant Sharia» par l’AAOIFI au Bahrein, nous explique comment ça marche.

 

 

Finances News Hebdo : Dans un schéma «normal», quelles sont les sources de financement théoriques des banques participatives ?

 

Abderrafi El Maataoui : Dans un schéma classique, la structure de financement des banques participatives comprend principalement les capitaux propres et les dépôts d’investissement.

En période de croisière, ces derniers devraient se tailler la part prépondérante, et correspondent aux sommes confiées par les déposants, sans ou avec une rémunération basée sur le principe des pertes et des profits. Par ailleurs, l’importance des dépôts d’investissement est le véritable fer de lance de tout système bancaire participatif et son coussin de survie et de pérennité à long et moyen terme.

 

 

F.N.H. : Les banques participatives ont été autorisées à se refinancer auprès de leurs maisons-mères après le retard des Sukuks et la consommation d'une bonne partie de leurs fonds propres. Comment fonctionne ce refinancement et, de par votre expérience, le Maroc est-il le seul à utiliser cette «méthode» ?

 

A. E. M. : De par leurs petites tailles comparativement aux banques conventionnelles, les banques participatives ont démarré leurs activités dans un contexte d’accélération des financements «Mourabaha» immobilier et auto, en s’appuyant principalement sur des ressources propres.

En cette période de démarrage caractérisée par une course vers les parts de marché pour satisfaire une demande en attente depuis plusieurs années, le relais des dépôts d’investissement n’a pas pris la relève au même rythme.

En l’état actuel, la petitesse du réseau commercial de démarrage, le retard de validation des contrats de refinancement, ainsi que celui de la mise en place des organismes de Takaful (pourvoyeurs de liquidités) sont trois facteurs explicatifs significatifs de la faiblesse de captage des dépôts d’investissement participatif.

Par conséquent, des tensions sur les ressources propres de ces banques se feront ressentir dans un avenir proche. De même, en l’absence d’un marché monétaire de capitaux participatifs, les banques participatives se trouveront dans la nécessité de solliciter davantage le refinancement par leurs groupes d’appartenance.

Ce recours inéluctable, très présent à l’international, devrait cependant se faire sur la base d’un encadrement strict, notamment via des contrats conformes à la Sharia et autorisés par la commission de la finance participative.

Les principaux points d’attention pour les contrats de refinancement rémunérés sont évidemment la rémunération selon le partage des pertes et profits, l’absence de garantie des capitaux et des revenus et l’emploi en financements conformes à la Sharia.

Par contre, s’agissant de mises à disposition gratuites, les contrats de refinancement non rémunérés connaissent moins de contraintes «shariatiques». Leur mise en place devrait être appréhendée suivant la réglementation fiscale en vigueur, et en respect des exigences d’approbation des conventions réglementées au sens de la loi sur les sociétés.

 


A lire >  Banques participatives : Où trouver du cash «halal» ?


 

F.N.H. : Ce procédé peut-il faire courir des risques aux banques participatives (d'un point de vue réputation, juridique ou conformité) ? Qu'en est-il des bailleurs de fonds, sont-ils protégés ?

 

A. E. M. : La validation juridique et shariatique des mécanismes de financement sur la base des principes susmentionnés est un pas vers la bonne direction. Les bailleurs de fonds en recherche de rémunération courent les risques prédéfinis et connus du partenariat d’investissement basé sur le partage des pertes et des profits (Wakalat Istitmar, Moudaraba, Mousharaka...). A ce titre, comme le voudrait l’orthodoxie financière rationnelle : «un risque plus élevé donnerait droit à un revenu élevé».

Or, en période de lancement des banques participatives, la rentabilité financière nette n’est pas encore au rendez-vous à un niveau suffisant, à cause des frais de lancement très importants (formation, IT, communication, acquisitions immobilières, agencements...) et des frais fixes amortissables sur plusieurs années. D’où une difficulté d’exigence de rentabilité financière à gérer…

D’une façon plus générale, en période de lancement, les risques de frottement entre les systèmes bancaires conventionnel et participatif existent (risque juridique, de non-conformité, risques opérationnels...). Néanmoins, des mécanismes de prévention existent aussi en face pour contrecarrer et juguler ces risques à un niveau minimal, notamment :

• un système de gouvernance anticipatif et proactif laissant peu de place à l’incertitude ;

• une communication institutionnelle suffisante et transparente ciblant les interrogations de la clientèle potentielle, mais aussi les détracteurs et les sceptiques de ce nouveau secteur ;

• et un écosystème en triple autosuffisance permettant aussi bien la conformité shariatique, le refinancement et la gestion des liquidités (organismes Takaful, marché monétaire des capitaux propres, audit Sharia indépendant, Sukuks, Zakat et Waqf).

Avec ces trois piliers, le risque de réputation serait admis à un niveau minimal, permettant une montée en puissance sûre et pérenne des nouvelles banques participatives. ■

 

 

Propos recueillis par A.H

 

 

 

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