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Afrique : Les banques à l'épreuve des changements réglementaires

Afrique : Les banques à l'épreuve des changements réglementaires

 

Le cadre réglementaire change et devient plus contraignant en Afrique subsaharienne, obligeant les banques marocaines à revoir leurs priorités.

Elles ne pourront plus autant compter sur les obligations étatiques pour dégager de la rentabilité.

 

A.E

 

«Fragilité de la croissance économique et de la concentration des portefeuilles bancaires sur certains secteurs, nouvelles exigences réglementaires, resserrement des conditions de refinancement de la BCEAO, et montée en force des opérateurs télécoms dans les services bancaires» : c’est peu dire que le secteur bancaire en Afrique traverse une période particulièrement chargée en défis, que les établissements bancaires, marocains en tête, devront surmonter.

Selon la recherche de CDG capital, qui publie une étude* sur le sujet, «cette reconfiguration du paysage bancaire interroge sur le potentiel de croissance du secteur bancaire en Afrique, ainsi que les défis actuels et futurs de cette forte implantation continentale».

 


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Encore du potentiel

Il faut d’emblée préciser que, sur le papier, le continent africain recèle encore un potentiel important pour l’industrie bancaire : les  taux de pénétration restent bas (taux de bancarisation strict de seulement 16,1%) et les niveaux de rentabilité sont assez élevés.

Par ailleurs, la concurrence dans les pays d'implantation des banques marocaines (PIBMA), bien qu’elle s’intensifie, reste relativement modérée. Tout ceci montre que l’Afrique subsaharienne représente toujours une autoroute de croissance, du moins en théorie, pour nos banques, surtout que plusieurs groupes européens ont réduit leur exposition africaine, offrant aux banques marocaines une meilleure  capacité d'expansion.

En 2018, les 3 majors panafricaines (Attijariwafa bank, BMCE Bank of Africa et Banque Centrale Populaire) sont présentes dans une vingtaine de pays africains, avec une part de marché de 27,8% dans la région de l’UEMOA.

Les analystes de CDG Capital rapportent également que dans les PIBMA, les banques affichent la meilleure rentabilité financière dans l’industrie bancaire mondiale, avec un ROE de 17%, bien au-dessus de celui d’Amérique latine (14,1%) et ou d’Asie (7%).

 

Les BDT, une manne qui va se tarir

Cette rentabilité est tirée par les activités de marché, dont la part dans la contribution de la croissance du PNB ne cesse d’augmenter. Elle est passée de 31,9% sur la période 2007­/2012 à 46,6% entre 2012/2017.

Les banques des PIBMA investissent une part croissante de leurs disponibilités dans les bons du Trésor (BDT) émis sur le marché régional, au détriment parfois de la distribution de crédit. Ces titres représentent désormais 22,3% du total bilan en 2017. Leur croissance annuelle est soutenue : 24,2% par an sur les dix dernières années, expliquent les analystes de CDG.

Il faut dire que pour les banques, ces titres sont du pain béni. Ils offrent un couple rendement­/risque attractif et bénéficient du refinancement  de  la  Banque  centrale à des conditions favorables.  Leur taux de rémunération ressort à 6% en moyenne en 2017, soit un niveau comparable au coût moyen des crédits  (6,8%). 

Cette manne providentielle pour les banques va néanmoins se tarir.  La BCEAO a ajouté un nouveau tour de vis réglementaire : il s’agit, d’une part, de la limitation des refinancements des titres publics à  200% des  fonds  propres des banques emprunteuses et, d’autre part, de la hausse du taux de prêt marginal de 1 point (il est passé de 3,5% à  4,5%). Ce qui devrait impacter négativement les résultats provenant des opérations de marchés.

D'ailleurs, les résultats de l’année 2017 reflètent déjà la baisse de l’engouement pour les titres publics. En effet, le portefeuille des titres publics des banques PIBMA enregistre  seulement  une  croissance  de 3,9%  en 2017 contre  un  TCAM de 26,6% entre  2016­/2011. Dans ce sens, pour la  première année depuis 2007, le poids du portefeuille titre enregistre une baisse de 0,7  point,  passant  de  23,0%  en 2016  à 22,3% en 2017. C'est une mutation certaine à laquelle doivent faire face les banques dans la région, obligées de financer de plus en plus l'économie et les entreprises.

 

Pression sur les fonds propres

Outre la nécessité de s'adapter à un environnement atypique où le mobile money est devenu un élément important (plus de la moitié des transactions liées aux services du mobile money au monde sont situées dans cette région), où les créances en souffrance sont relativement élevées, les banques doivent aussi renforcer et calibrer leurs fonds propres. 

Car, en cas de retournement de tendances, ce sont les banques les mieux capitalisées qui seront les mieux armées pour continuer leur activité et bénéficieront de la capacité future à créer de la valeur.

Or,  les analystes de CDG Capital font remarquer que la croissance des  fonds propres est moins marquée dans  la  région, comparativement à celle des bilans. Le ratio FP/total actif a touché en 2016 son plus bas historique à 7,2% depuis 2007 contre 6,5% pour les filiales  marocaines. Les banques marocaines ont pourtant injecté plus de 60  millions de dollars dans leurs filiales en 2017. «Il est certain que les banques marocaines devraient renforcer davantage leurs fonds propres et se préparer le plus vite possible pour faire face aux nouvelles contraintes réglementaires et pour continuer à soutenir leur plan de développement», lit­on dans la note. 

Bref, vous l’aurez compris, le contexte réglementaire contraint globalement les banques marocaines implantées en Afrique à repenser leur manière d’y faire du business : il s’agira pour elles de redéfinir profondément leur stratégie de gestion actif-passif, trouver d’autres alternatives de financement, voire de prendre davantage de risque afin de générer de la marge d’intérêt. ◆

 

 

 

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