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Monétique : «Les premières opérations de m-paiement devraient pouvoir se faire début 2018»

Monétique : «Les premières opérations de m-paiement devraient pouvoir se faire début 2018»

 

Dématérialisation, paiement en ligne, e-services, switching, équipement en TPE, paiement sans contact, paiement nfois, règlement instantané, paiement mobile, etc. : la monétique au Maroc foisonne de nouveautés. Mikael Naciri, Directeur général du CMI fait le point sur les grandes tendances du secteur.

 

 

 

 

Finances News Hebdo : On commence par la traditionnelle question des performances de l’activité monétique à mi-2017. Quel commentaire faites-vous des réalisations du CMI mais également du secteur ?

 

Mikael Naciri : L’activité monétique au Maroc progresse fortement et l’usage de la carte bancaire se démocratise.

Globalement, sur les 6 premiers mois de l’année, les cartes bancaires marocaines ont réalisé 21,3 millions d’opérations de paiement (en progression de +32% comparativement au premier semestre 2016) pour 9,9 milliards de DH, en progression de 22,4 % par rapport à la même période de 2016.

Par ailleurs, 1,22 milliard de DH d’achats en ligne ont été réalisés sur les sites de ecommerce et des facturiers affiliés au CMI, en progression de 55% par rapport à 2016. Les touristes étrangers, quant à eux, ont effectué 3,26 millions d’opérations de paiement pour 5 milliards de DH, en progression de 21% par rapport à la même période de 2016, ce qui confirme l’embellie des arrivées touristiques.

L’usage de la carte bancaire en paiement profite de l’arrivée d’une nouvelle génération d’usagers friands d’innovations et de technologies, qui ne peuvent imaginer leur quotidien sans carte bancaire ou sans téléphone mobile. Les achats en ligne par cartes bancaires se développent également, portés par les services egov, les compagnies aériennes, les facturiers.

 


"De nouvelles initiatives de dématérialisation des paiements sont en cours. Le CMI accompagne les différentes administrations dans la dématérialisation de leurs processus."


 

F. N. H. : Vous avez lancé du 1er avril au 31 mai 2017 l’opération de paiement multicanal des taxes locales 2017. Quel bilan en faites-vous et, surtout, comment se développent et le partenariat avec la TGR, les autres administrations et administrations publiques et l’effort d’accompagnement du eGov ?

 

M. N. : La campagne de collecte des taxes d’habitation a été marquée cette année par l’élargissement des canaux de paiement, notamment aux agences bancaires, aux réseaux de services de proximité (opérateurs de transfert d’argent). Nous notons également une nette progression du règlement des taxes et des factures en général à travers les canaux de ebanking (sites Internet transactionnels des banques) et mbanking (applications sur téléphones mobiles liées au compte bancaire).

Par rapport à l’an dernier, les paiements par cartes bancaires sur le site de la TGR ont progressé de 38%. Chaque année, nous enregistrons de nouveaux adeptes du paiement sur Internet. Cela traduit la confiance croissante de nos concitoyens dans ce canal de paiement. Ils reçoivent en outre la copie de leur quittance de règlement quelques jours après, directement sur leur boîte email.

Autre champion de la dématérialisation, la DGI (Direction générale des impôts) pour laquelle nous assurons la collecte des taxes TVA, IS, IR, et ce à travers les canaux digitaux (ebanking, mbanking, GAB), site Internet, agences bancaires, réseaux de points de proximité.

Après l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFC) qui a dématérialisé la consultation des titres fonciers et le règlement des frais de services y afférents, 2017 a connu le lancement du paiement en ligne des factures d’électricité de l’ONEE.

De nouvelles initiatives de dématérialisation des paiements sont par ailleurs en cours de mise en place. Elles viendront enrichir le bouquet des eservices qui facilitent la vie des citoyens. Le CMI accompagne les différentes administrations dans la dématérialisation de leurs processus.

Nous mettons notre expertise et nos plateformes au service de la dématérialisation des processus C2G et B2G qui échangent des documents et des flux financiers, que nous proposons d’intégrer dans des écosystèmes technologiques accessibles à travers Internet, à travers des applications de mbanking et ebanking, des GAB, et des réseaux physiques (agences bancaires).

Pour cela, nous nous appuyons sur notre plateforme multicanal Fatourati, que nous continuons de renforcer en termes de performance et de disponibilité.

 

F. N. H. : En 2012, la Banque centrale a ouvert le marché en octroyant des licences à deux opérateurs, mais à ce jour, ils n’ont toujours pas lancé leurs offres. A quoi imputez-vous cela ?

 

M. N. : De nouveaux acquéreurs de transactions par cartes bancaires se préparent à investir le marché. Ils sont en cours de réglage, et devraient être opérationnels dès que le switch national pourra traiter leurs transactions dans les meilleures conditions de sécurité et de fiabilité, certainement avant la fin de cette année.

 

F. N. H. : Dans le cadre de la cession de l’activité du switching, vous avez signé en 2015 un protocole d’accord avec HPS. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

 

M. N. : Nous avons cédé l’activité d’interopérabilité des transactions et leur compensation entre les banques à HPS Switch en juillet 2016. HPS Switch finalise ces prochaines semaines sa plateforme technique pour accueillir cette activité avant la fin de l’année.

Les banques et le CMI préparent la migration vers la nouvelle plateforme de HPS switch avec une montée en charge graduelle.

Le CMI , pour sa part, se concentre sur l’équipement en TPE et la fourniture de services à valeur ajoutée aux marchands, autour du paiement par carte bancaire (fidélité, paiement de créances et de factures, DCC, monétique intégrée, applications spécifiques B2B, gestion de cartes cadeaux, applications privatives sur TPE…).

 


"Certaines banques ont pris la décision que toutes leurs cartes seront désormais «dual interface» (contact et sans contact)".


 

F. N. H. : Quel bilan du paiement sans contact (NFC) lancé en 2015 en partenariat avec MasterCard ? Il était question que cette technologie soit également utilisée sur les téléphones mobiles en 2017. Est-ce maintenu ?

 

M. N. : Les transactions sont encore peu nombreuses. Les banques n’ont pas encore émis suffisamment de cartes NFC, et de notre côté nous avons équipé seulement 8.000 commerçants de TPE NFC. Les prochains mois verront l’augmentation du nombre de cartes portant cette technologie avec les cartes Visa Paywave.

L’adoption de ce mode de paiement est certes lent, mais nous y croyons fortement, certaines banques ayant même pris la décision que toutes leurs cartes seront désormais «dual interface» (contact et sans contact).

 

F. N. H. : Quid du mPOS (mobile Point Of Sale) ?

 

M. N. : Nous avons testé notre offre mPOS sur différents segments : restauration, livraison de repas, petits commerces, taxis touristiques, hôtels, Spa, ryads, ticketing de spectacle, foires et salons, autoentrepreneurs, médecins à domicile… Globalement, le retour est positif et nous faisons évoluer techniquement ce dispositif tout en segmentant notre offre mPOS.

Il permet aujourd’hui à des commerçants d’encaisser en mobilité, là où la couverture téléphonique (filaire et GPRS) fait défaut. Il est aussi un précieux outil pour les commerçants qui vendent occasionnellement lors de foires ou d’évènements (salons, spectacles, festivals).

Pour ce qui est de la livraison de repas à domicile ou sur le lieu de travail, le mPOS est le parfait allié du livreur, beaucoup de clients réclamant de pouvoir payer par carte bancaire.

Le mPOS, lecteur de carte léger se connectant à un smartphone, est économiquement plus intéressant qu’un TPE classique, malheureusement sa pénétration auprès des petits commerçants n’est pas aisée.

 


"Lorsque l’on analyse les raisons de la réticence de certains petits commerçants à l’acceptation des paiements par carte, trois raisons ressortent: le taux de commissions, la peur du fisc et la crainte de la fraude."


 

F. N. H. : Au-delà du développement du réseau de commerçants affiliés au CMI, comment inciter ceux inactifs à mettre les TPE à la disposition de la clientèle qui ne souhaite pas effectuer de transaction en cash ?

 

M. N. : Lorsque l’on analyse les raisons de la réticence de certains commerçants (je parle ici des petits commerces de quartier, les marchands de fruits et légumes…) à l’acceptation des paiements par carte, trois raisons ressortent: le taux de commissions, la peur du fisc et la crainte de la fraude.

Le CMI a opéré historiquement plusieurs baisses de ses tarifs (sur les cartes marocaines) au profit des commerces de proximité notamment, qui sont facturés aujourd’hui à 0,9%HT.

Nous avons également baissé le taux du secteur hôtelier, de la restauration et du prêt-à-porter et nous prévoyons de continuer à améliorer notre tarification sur certains segments au fur et à mesure de l’augmentation des volumes de paiement (bijouteries…).

Seul secteur qui devrait être impacté à la hausse, les stations-service. Historiquement, ce secteur a été «sous facturé», j’entends par là que ni le CMI ni les banques ne gagnent de l’argent avec un taux de commission de 0,25% HT.

Le second frein, qui est le plus dur à lever, c’est l’appréhension de nos commerçants vis-à-vis de la traçabilité de leurs opérations, et donc la volonté de ne pas déclarer la totalité du chiffre d’affaires réalisé. Inutile de nous voiler la face, c’est un sport national dans lequel les commerçants excellent et qui, faute d’initiatives courageuses et incitatives à la fois de la part des autorités, n’est pas prêt de s’estomper.

 

F. N. H. : Dans ce sillage, le CMI ne cesse de mettre à disposition des solutions innovantes plaçant la barre toujours plus haut. Que concoctez-vous pour cette année en termes d’innovation et de lancement de services à valeur ajoutée ?

 

M. N. : Le CMI a lancé plusieurs initiatives ces deux dernières années (paiement sans contact, mPOS, DCC, etopup, paiement fractionné…), nous sommes en train de les consolider.

Le lancement prochain de Visa Paywave (paiement sans contact avec les cartes Visa), le déploiement du paiement nfois* sont les prochaines nouveautés programmées pour 2017.

Sur un autre registre, le CMI a démarré depuis quelques semaines le déploiement de terminaux de paiement ADSL, pour remplacer l’ensemble de son parc de terminaux RTC (utilisant la ligne téléphonique classique). Ces terminaux ADSL sont très rapides (temps de transaction inférieur à 6 secondes) et permettent aux commerçants d’économiser les frais de communication téléphoniques.

Enfin, dernière innovation que nous préparons depuis plusieurs mois, le règlement instantané, qui permet à nos commerçants d’être crédités en temps réel par leur banque, au lieu de J+2 actuellement.

C’est une avancée majeure qui permettra aux affiliés de disposer de leur trésorerie en temps réel. Nous travaillons avec les banques pour permettre la mise en œuvre de cette innovation, les impacts au niveau des systèmes d’information des banques étant importants.

 


BAM et l’ANRT pilotent un projet de création d’un écosystème de mpaiement, et associent les différents opérateurs (banques, opérateurs télécoms) dans la réflexion et la mise en œuvre.


 

F. N. H. : L’Afrique a été le berceau du paiement mobile, avec le M-Pesa lancé en 2007 au Kenya. En Egypte, on recense quelque 8 millions d’utilisateurs du paiement par mobile, à travers Ta7weel. Et les expériences dans le continent sont légion. Dans un pays comme le Maroc avec une inclusion financière croissante, cette solution peine à voir le jour. Pourquoi à votre avis ? S’agit-il de la rentabilité d’un tel écosystème au Maroc ?

 

M. N. : Le Maroc, contrairement à d’autres pays africains où le paiement mobile a pu émerger, dispose d’une infrastructure bancaire développée, de réseaux de points de services financiers (transferts d’argent notamment) présents sur la quasi-totalité du territoire et d’un taux de bancarisation supérieur à 50%. Tous ces indicateurs font que le paiement mobile n’a pas encore trouvé sa place dans les transactions financières C2C ou B2C.

BAM et l’ANRT pilotent un projet de création d’un écosystème de mpaiement, et associent les différents opérateurs (banques, opérateurs télécoms) dans la réflexion et la mise en œuvre.

Les spécifications techniques pour le traitement des opérations sont en cours et plusieurs acteurs ont marqué leur intérêt en déposant des demandes d’agréments d’établissements de paiement auprès de la Banque centrale.

Les premières opérations de mpaiement (transfert de personnes à personnes, paiement commerçants, paiement de factures et recharges…), devraient pouvoir se faire début 2018. Concernant la rentabilité de ce dispositif, il est clair qu’elle ne sera pas au rendez-vous durant les 3 à 5 prochaines années. Il y a fort à parier que seuls ceux qui auront l’endurance (technique et financière) pour supporter plusieurs années d’investissements seront les premiers à investir ce créneau.

 

(*) Le paiement nfois permet de fractionner le montant d’une transaction d’achat en plusieurs échéances. Le commerçant est crédité tout de suite et le porteur sera débité de ses échéances chaque mois. Cette solution s’adresse principalement aux assurances, bijoutiers, … permettant de remplacer la pratique de paiement en plusieurs chèques (avec tous les risques que supporte le commerçant). Dans le cas du paiement nfois, c’est la banque qui supporte ce risque moyennant des frais.

 

 

Propos recueillis pas I. Bouhrara

 

 

 

 

 

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