Délais de paiement : mobilisation générale

Délais de paiement : mobilisation générale

 

- Ministère des Finances et CGEM veulent accorder leurs violons sur les actions à mener pour résoudre, de manière définitive, la problématique des délais de paiement.

 

Un dialogue franc, sans bavardages inutiles ni surenchères stériles : c’est le ton qui a caractérisé la très attendue rencontre entre la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et le ministère des Finances, pour tenter de trouver une solution pérenne à la problématique des délais de paiement qui empoisonne, plus que jamais, le climat des affaires au Maroc.

Emmené par un Salaheddine Mezouar très offensif, et qui connaît bien la maison (la rencontre a eu lieu au siège du ministère des Finances à Rabat), le patronat est venu chercher des réponses. Le gouvernement a-t-il pris la mesure de la gravité de la situation ? L'Exécutif est-il déterminé à endiguer ce fléau bien de chez nous (voir encadré) qui, chaque année, oblige des milliers d'entreprises, notamment celles de tailles petites et moyennes, à mettre la clé sous la porte.

Mohamed Boussaid a d’emblée reconnu que l’allongement des délais de paiement devient «plus pesant et plus complexe». Si des mesures ont été prises au niveau du gouvernement pour juguler ce phénomène, à l’image de l’opération de remboursement des crédits de TVA, la modification de la loi sur les délais de paiement ou encore certaines actions prises en matière de trésorerie des établissements publics, l’argentier du Royaume ne manque pas cependant d’avouer que «tout ceci reste insuffisant, eu égard à l’ampleur du problème».

En tout cas, Boussaid a fait part de «toute (sa) détermination personnelle pour que ce sujet soit aplani et adressé correctement pour le bien des entreprises et des PME».

Cela commence par mettre de l’ordre «chez soi», c’est-à-dire au sein des entreprises et établissement publics (EEP). Selon les données collectées par les équipes du ministère auprès d’un échantillon de 83 EEP (représentant 75% des investissements de l’ensemble des EEP), la tendance de ces dernières années est à l’aggravation de la dette vis-à-vis des fournisseurs. Le ministère note néanmoins une légère accalmie ces derniers mois, puisqu’en moyenne les délais de paiement des entreprises publiques auraient reculé de 6 jours au premier trimestre 2018.

Boussaid précise toutefois que ces chiffres cachent en réalité beaucoup de disparités. Car, si la moyenne des délais de paiement des EEP ressort à 80 jours, pour certaines d’entre elles, ce délai peut atteindre 200 jours. Quant aux EEP qui respectent les délais contractuels, elles sont seulement au nombre de 18. Beaucoup reste à faire donc de ce côté-là.

 

Mezouar : «On a battu tous les records»

 

Si l’Etat est loin d’être exemplaire, du côté du secteur privé, les choses ne sont pas bien meilleures (voir encadré). Le diagnostic fait par le nouveau président de la CGEM est sans appel. «Je n’ai pas trouvé un secteur privé avec un bon moral. Une certaine déprime s’est installée pour une grande partie des entreprises», a-t-il d’emblée affirmé. «Les délais de paiement se sont aggravés entre entreprises privées. On a battu tous les records», souligne-t-il.

Pour lui, il est important pour le secteur privé de s'accorder avec l'Etat sur la dynamique à suivre, et «la transparence et la franchise doivent être de rigueur».

Il salue, certes, les actions menées auprès du ministère au niveau de l’amélioration du texte de loi, tout en rappelant que les décrets d’application traînent encore et tardent à sortir.

Il a également soulevé «l’épineuse question» de comment traiter «ensemble» ceux qui sont victimes des délais de paiement longs. Les solutions à apporter, selon lui, doivent insuffler de l’oxygène dans la machine, dans la durée.

Sur la question du crédit de TVA, Mezouar se félicite des solutions trouvées, mais il préconise de consacrer «une fois pour toutes» la neutralité de la TVA. «C’est un vrai sujet, et nous devons voir, dans l’optique de la prochaine Loi de Finances, ce qu’il est possible de faire», a-t-il indiqué.

Pour l’ancien ministre des Finances, il est plus que jamais nécessaire «d’émettre des signaux qui redonnent de la confiance, qui montrent que la question est prise à bras-le-corps et que le secteur privé et le ministère des Finances sont tous deux déterminés à relancer la machine». Autrement, ce «fléau mettra en péril les entreprises et le bon déroulement de l'économie nationale». ■

 


Délais de paiement dans le secteur privé : Les chiffres de la CGEM

«Nous devons balayer devant notre porte». La phrase est de Salaheddine Kadmiri, membre de la délégation de la CGEM, qui a fait le déplacement au siège du ministère. L’industriel a présenté la situation «alarmante» des délais de paiement entre entreprises du privé, en se basant sur les chiffres d’Inforisk croisés avec ceux des banques. Premier constat : la TPE (chiffre d’affaires inférieur à 10 millions de DH) est bien la première victime du phénomène. Pour cette catégorie d’entreprises, il faut en moyenne 9,9 mois pour se faire payer par son client, et 6,6 mois pour payer son fournisseur. Pour les PME (chiffre d’affaires compris entre 10 et 200 millions de DH), les deux délais cités plus haut atteignent respectivement 5,1 mois et 3,5 mois.

Pour les grandes entreprises, Kadmiri constate une inversion de ces deux délais : les grandes entreprises paient leurs fournisseurs à 4,3 mois et se font payer par leurs clients à 3,4 mois. Une situation «complètement anormale», selon Kadmiri.

Autre point très important soulevé : cet allongement continu des délais de paiement est une spécificité purement marocaine. «Dans le monde, quand le paiement dépasse les 55 jours, on tire la sonnette d’alarme», indique Kadmiri. Et si l’on se compare à des pays similaires de la région, nous constatons que des pays comme la Turquie, l’Algérie ou la Tunisie ne connaissent pas cette problématique.


 

 

par A. E

 

 

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