Accord antidumping : "En cas d’abus, le Maroc peut réclamer une révision des ALE"

Accord antidumping : "En cas d’abus, le Maroc peut réclamer une révision des ALE"

 

 

Etant membre de l’OMC, le Royaume est appelé à respecter les règles de l’accord antidumping.  Entre les textes et la réalité, l’accord suscite des questionnements. Jawad Kerdoudi, président de l’IMRI, explique comment et quand le lien de causalité est établi entre les importations et le préjudice subi par l’opérateur national.

 

 

Finances News Hebdo : Afin de protéger le tissu économique national, les pouvoirs publics recourent systématiquement à des mesures de sauvegarde. Quels sont les signes précurseurs justifiant une situation de dumping ? Plus précisément,  comment établir le lien de cause à effet entre les importations et les dommages subis par l’industrie marocaine ?

 

Jawad Kerdoudi : Le Maroc, membre de l’OMC, doit respecter les règles de l’Accord antidumping qui sont très précises. Par définition, le dumping est le prix pratiqué par un exportateur étranger lorsque ce prix est inférieur à celui qu’il pratique sur son marché intérieur, ou inférieur au prix pratiqué par l’exportateur sur un autre marché que le Maroc, ou enfin lorsque ce prix est inférieur à la «valeur normale». Celle-ci correspond au prix de revient réel du produit, c'est-à-dire son coût complet de production et la marge bénéficiaire.

L’Accord antidumping de l’OMC prévoit que le prix pratiqué par l’exportateur étranger doit causer un dommage important à la branche de production nationale concurrente. La parade généralement utilisée par les gouvernements est l’imposition d’un droit d’importation supplémentaire sur le produit considéré en provenance du pays exportateur. Avant de prendre cette mesure, les gouvernements doivent procéder à une enquête préalable. La durée normale d’un impôt supplémentaire ne doit pas dépasser 5 ans, et les gouvernements doivent notifier les mesures prises au Comité de l’OMC des pratiques antidumping. L’OMC encourage des consultations mutuelles entre le pays exportateur et importateur, sinon le pays exportateur peut recourir à la procédure.

Le lien de causalité entre les importations et les dommages subis par l’industrie marocaine est justifié, lorsque les ventes de la branche industrielle marocaine enregistrent une forte baisse de son chiffre d’affaires sur le marché local.

 

F.N.H. : A quel niveau pouvons-nous considérer que les droits antidumping sont antinomiques avec les principes de libéralisation et les règles de l’OMC ?

 

J. K. : Certes, les droits antidumping sont antinomiques avec les principes de libéralisme de l’OMC, mais cette dernière reconnaît ce phénomène par l’Accord antidumping et le réglemente d’une façon très précise comme indiqué ci-dessus.

 



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F.N.H. : D’aucuns estiment que la situation financière de certains opérateurs, sollicitant la mise en place des règles antidumping, relève davantage d’un mauvais calibrage des investissements et, surtout, d’un problème de compétitivité plus que d’un sujet de concurrence déloyale venant des produits importés. Quel est votre propre commentaire ?

 

J. K. : Effectivement, les industries marocaines manquent souvent de compétitivité, et pratiquent des prix élevés sur le marché intérieur marocain. D’où la nécessité d’améliorer impérativement la compétitivité des industries marocaines.

Cependant, il peut arriver qu’un pays étranger souffrant d’une surproduction pratique des prix bas à l’export. Dans ce dernier cas, le Maroc a tout à fait le droit de protéger son industrie.

 

F.N.H. : Dans le même sillage, ne pensez-vous pas que cette situation résulte en grande partie des accords de libre-échange mal négociés au départ ?

 

J. K. : Le Maroc de son plein gré et en toute connaissance de cause a adhéré à l’OMC et signé plusieurs accords de libre-échange. Il doit de toute façon améliorer la compétitivité de son industrie, et réclamer une révision des accords de libre-échange lorsque des abus sont constatés. A une autre échelle, c’est ce que fait Donald Trump qui préside pourtant la plus grande puissance économique mondiale. ■

 

Propos recueillis par S. Es-siari

 


Calcul des marges de dumping

L'Accord énonce des règles concernant le calcul des marges de dumping. Habituellement, il faut procéder à une comparaison entre une valeur normale moyenne pondérée et une moyenne pondérée des prix de toutes les transactions à l'exportation comparables, ou à une comparaison entre la valeur normale et les prix à l'exportation transaction par transaction.

On peut utiliser une base de comparaison différente en cas de «dumping ciblé», c'est-à-dire si, d'après leur configuration, les prix à l'exportation diffèrent notablement entre différents acheteurs, régions ou périodes. Dans cette situation, si les autorités chargées de l'enquête expliquent la raison pour laquelle il n'est pas possible de prendre en compte de telles différences en utilisant les méthodes de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée ou transaction par transaction, la valeur normale établie sur la base d'une moyenne pondérée pourra être comparée aux prix de transactions à l'exportation prises individuellement.


 

 

 

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