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Marché actions : Paroles de stratégistes

Marché actions : Paroles de stratégistes

La quatrième édition des Morocco Capital Markets Days, tenue récemment à Londres, était l'occasion pour plusieurs têtes d'affiche de présenter les opportunités de placement au Maroc, aussi bien sur le plan macro que microéconomique. 

 

La séance d'ouverture, marquée par des exposés sur l'économie et le système monétaire marocains, s'est déroulée en présence de l'ambassadeur du Maroc au Royaume-Uni, Abdesselam Aboudrar, et de l'ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc et en Mauritanie, Thomas Reilly, ainsi que de plusieurs dirigeants de sociétés cotées et d'opérateurs du marché financier marocain et britannique. Devant ce parterre d'investisseurs, les officiels marocains ont présenté le Maroc comme il est : un point d'entrée économique et financier vers l'Afrique. "Cet événement est une occasion de présenter le Maroc aux investisseurs étrangers qui sont basés à Londres, et de mettre en exergue les opportunités qu'il offre concrètement dans un certains nombres d'activités, notamment le secteur financier, les télécoms, les mines et les assurances", a expliqué le Directeur général de la Bourse de Casablanca, Karim Hajji.

Le DG de la Bourse a fait savoir que le Maroc est une destination intéressante pour les investisseurs basés à Londres, attirés non seulement par le Royaume, mais aussi par l'Afrique, en mettant en avant la position du Royaume en tant que porte d'entrée extrêmement importante pour l'investissement dans le continent.

 

Le Morocco Capital Market day profite d'un soutien institutionnel aussi bien de la part du Maroc que du Royaume-Unis

 

La Parole aux stratégistes

Les équipes de la Bourse de Casablanca étaient accompagnées par une douzaine d'émetteurs et responsables Analyse et Recherche de plusieurs banques d'affaires marocaines. Ces derniers se sont relayés pour présenter la photographie la plus fidèle des opportunités qu’offre le Maroc. Nasreddine Lazrak, directeur Analyses & Recherches à la BCP, a commencé par exposer les principaux indicateurs économiques du pays. Il a ainsi indiqué que sur les 10 dernières années, la croissance du PIB , qui dépend de l’agriculture, a été en moyenne de 4%.

Du côté de l’inflation, Lazrak souligne qu’elle n’a pas dépassé les 2% depuis 2003, alors que  dans un pays émergent, «nous trouvons normalement un niveau d’inflation assez élevé». Selon lui, cela est dû à la bonne politique monétaire conduite par la Banque centrale et à la subvention des produits de base. Sur les déficits jumeaux, il explique que le Maroc est structurellement déficitaire, car c’est un pays importateur net de pétrole.

En somme, pour lui, 4 indicateurs dénotent de la solidité macroéconomique du pays : une croissance économique durable, une inflation maîtrisée, une forte dynamique dans les investissements et un effort soutenu du secteur bancaire pour soutenir l’économie.

En termes de perspectives, la recherche de la BCP s’attend à ce que 2019 soit «similaire» à 2018 sur le plan de la croissance. Ils anticipent aussi un léger renforcement des activités non agricoles, une inflation à 1,6%, un taux de chômage de 10,1% (vs 10% en 2018) et une politique monétaire toujours accommodante.

 

Une structure de marché contraignante à l'investissement étranger

Les investisseurs étrangers qui s’intéressent à la thématique Maroc dans leurs placements sont principalement découragés par la cherté du marché et sa sous-liquidité. Ils concentrent leur intérêt sur les entreprises qui affichent une très forte croissance. C’est ce qu’a relevé Taha Jaidi, d'Attijari Global Reaserch, lors de cet évènement.

Dans sa présentation, le stratégiste d'AGR a également exposé les caractéristiques du marché local où les investisseurs institutionnels locaux sont fortement présents. Ces derniers dominent à hauteur de 75% les échanges. Les étrangers, eux, sont présents à hauteur de 12%, alors que les particuliers pèsent pour 13%. Un profil de marché différent de celui de l’Égypte ou de la Tunisie, des marchés dominés par les opérateurs individuels, avec des parts respectives de 50% et 63%.


 

Un marché de flux qui favorise les excès de volatilité

Cette structure facilite aussi, selon AGR, les excès de volatilité sur de courtes périodes. D’autant que les zinzins achètent et vendent les mêmes titres, ce qui accroît davantage l’instabilité. Jaidi a montré, à titre d’exemple, 3 périodes où la volatilité a été à son extrême. Il s’agit du T4-16, période de souscriptions massives où le marché avait pris 21% en 20 jours. Puis au milieu de 2017, période de souscription également, durant laquelle le Masi avait gagné 5% en deux semaines. Et la plus récente remonte à fin 2017, date à laquelle l’indice a connu un décalage haussier rapide de 9% en 40 jours.

Le second impact de cette structure spécifique est «une liquidité cachée». Jaidi explique que «quand nous avons ce profil de marché, les volumes moyens quotidiens ne peuvent être un véritable indicateur de liquidité. Nous croyons que la part la plus signifiante des volumes n’est pas visible sur le marché». Et de préciser que «les brokers locaux ont un positionnement stratégique (vis-à-vis des institutionnels : ndlr) qui leur permet d’offrir une liquidité meilleure que ce qui se voit sur les chiffres quotidiens. Parce que la liquidité se trouve du côté des institutionnels».


 

Faiblesse des rendements obligataires
En Egypte, le BDT 5 ans offre un rendement de 16,6%,  de 9,3% en Tunisie et 6,7% en Côte d’ivoire, alors qu’au Maroc le rendement est bas, tournant autour des 2,7%. Mais ces pays ont un risque de change plus prononcé qu’au Maroc. Ainsi, ce tassement des rendements obligataires était visible sur le spread D/Y vs BDT 5 ans, lequel a atteint un niveau historiquement élevé en 2019 à 260 pbs.

Dans ces conditions, l’arbitrage reste en faveur des actions. «La persistance de cette situation va influencer la perception du risque des investisseurs, lesquels reviendront tôt ou tard sur les actions», confirme-t-il.

Dernier point relevé par AGR et qui caractérise le marché marocain : la cherté du marché comparativement à ses pairs. Un PER élevé de 18x dû principalement à un manque d’alternatives d’investissements.

Pour résumer, le responsable a exhorté les investisseurs étrangers à prendre connaissance de la spécificité du contexte marocain, qui a une réalité complètement différente des autres marchés émergents du continent, tels que l’Égypte, l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique centrale ou la Tunisie. Il a aussi recommandé aux investisseurs d’étudier le marché marocain de manière plus profonde et de s'informer de la dynamique que connait actuellement la Bourse marocaine afin de repérer les opportunités intéressantes à saisir.


 

3 recommandations pour les étrangers 

Le directeur de la recherche d’Attijari a proposé trois principales recommandations pour les émetteurs et les investisseurs désireux de réussir leurs projets au Maroc. La première est d'investir dans des sociétés qui sont institutionnalisées et qui ont des politiques d'investissement et des stratégies stables à moyens termes.

L'expert considère qu'il faudrait ensuite allonger la durée d'investissement au Maroc (au-delà de trois ans au moins) afin de récolter le fruit des investissements, sans manquer d'introduire le volet important de la digitalisation, soulignant que l'usage des «data» au Maroc est en train «d'exploser» et de «surpasser toutes les prévisions», d'où la nécessité de tirer profit de cette dynamique qui devrait se poursuivre à l'avenir.

La deuxième recommandation porte sur le commerce international, étant donné que les exportations du Maroc sont en plein essor, grâce au développement de l'industrie automobile et aéronautique et des infrastructures portuaires, notamment avec la mise en place de Tanger Med et l'ouverture de nouveaux ports, faisant savoir que «cette tendance devrait se poursuivre et serait créatrice de valeurs pour les actionnaires».

Sa troisième recommandation concerne les opérations de croissance externe. L'expert relève que les sociétés avec des niveaux de profitabilité élevés ont entrepris d'importants investissements au Maroc, alors que plusieurs d'entre elles ont la capacité d'entamer une croissance externe en Afrique, ce qui constitue un relais de croissance qui devrait être saisi.

 

Les secteurs de conviction

Hajar Tahri, responsable Desk Business Development Unit chez BMCE Capital Research s’est projetée dans son analyse sur les perspectives du secteur télécoms à horizon 2025. A moyen terme, elle estime que le paiement mobile, la 5G et le mobile banking sont les principaux relais de croissance du secteur. Elle indique aussi que la pénétration de la data en 2025 devrait tourner autour de 90%, et qu’elle générera des revenus de près de 10 milliards DH à la même année.

Pour le seul représentant du secteur à la cote, Maroc Telecom, BKB Research prévoit un RNPG de 6,73 Mds de DH pour 2019 et de 6,90 Mds de DH pour 2020. Les niveaux de rendement prévus sont de 4,4% et 4,5% pour un dividende unitaire de 5,83 DH et 5,98 DH respectivement. Au final, Tahiri recommande de conserver le titre pour un cours cible de 143 DH.

De son côté, Maha Karrakchou, Senior Equity Analyst chez CFG Bank, a présenté un aperçu des valeurs dans les secteurs de la consommation de base et de la grande distribution. Ces deux secteurs représentent 8,9% de capitalisation boursière du marché et 9,4% flottant global.

Label’Vie, qui représente la grande distribution à la Bourse de Casablanca, détient 30% de parts de marché dans la distribution. Elle est devancée par Cofarma Group (Marjane & Acima) qui détient 50%.

Karrakchou indique que «la croissance est dans l’ADN du Groupe Label’Vie». Elle table dans ce sens sur un chiffre d’affaires 10,7 Mds de DH en 2021 contre 8,21 Mds de DH en 2018, soit un TCAM de 9,2% entre 2018 et 2021. Dans son argumentaire d’investissement sur le dossier Label’Vie, l’analyste précise que le Maroc dispose d’un énorme potentiel en termes de vente au détail organisée, avec un taux de pénétration aussi faible de 17%, et une surface de vente au détail par habitant de 11 m2 contre 200 m2 en Europe et 40 m2 en Turquie.

La stratégie d’ouverture de magasins agressive opérée par le Groupe, avec un Capex de 500 MDH/an, appuie également son scénario d’achat. En outre, l’analyste signale que le PER de la valeur est proche de la moyenne du marché, et ce malgré des perspectives de croissance nettement plus élevées que celles présentées par les autres sociétés.

Le potentiel d’Atacadao (filiale du Carrefour Market Label’Vie) en tant qu'alternative pour capter indirectement les 85% de la population qui ne passent pas par le commerce organisé est aussi avancé comme un argument d’achat de la valeur. Au final, CFG Bank fixe le cours cible à 2.583 DH, avec un potentiel de croissance de 24%.

 

Hamid Tawfiki : "Jouer le Maroc, c'est jouer indirectement l'Afrique"

Le Directeur général de CDG Capital souligne que 20 à 33% des revenus des banques marocaines proviennent d'Afrique. "Ce n’est plus une cerise sur le gâteau, mais un marché cible à part entière." Pour lui, investir dans le marché boursier marocain devrait être vu différemment à partir de maintenant. Car, "Jouer le Maroc, c'est jouer indirectement l'Afrique". "La portée, l'environnement et le cadre de notre écosystème de marché financier évoluent pour nous permettre de mieux financer l'économie marocaine et, dans une certaine mesure, de nourrir l'économie africaine. Nous, acteurs financiers, investisseurs, émetteurs, sommes confrontés à une période de changement remarquable, à une période de grands défis et à des opportunités excitantes. Certains facteurs ont une influence significative sur le développement d'un centre financier. Le Maroc a travaillé sur chacun d'eux", témoigne celui qui occupe le poste de président du Conseil d'administration de la Bourse depuis sa démutualisation.  Et de conclure qu’il faut «faire ce qu’il faut pour relever et gagner le défi qui consiste à  transformer profondément notre marché en une place». financière moderne, crédible, ouverte et attrayante »

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