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Epargne institutionnelle : Le casse-tête de la baisse des rendements

Epargne institutionnelle : Le casse-tête de la baisse des rendements

 

Surexposée à un marché financier de moins en moins rémunérateur, l'épargne institutionnelle n'a d'autres choix que de forcer le passage pour diversifier son univers de placement et contourner la baisse des rendements sur les marchés.

 

Par A.H

 

Un passif sous pression réglementaire et un actif de moins en moins rémunérateur, les caisses de retraites et compagnies d'assurances à travers le monde ont la vie dure depuis que les taux sont durablement bas, voire négatifs.

Au Maroc, ces investisseurs doivent en plus composer avec un univers de placements restreint et peu profond. Les régulateurs se disent particulièrement attentifs à la situation.

 

Des taux bas

Tout au long de 2019 et jusqu'à la dernière adjudication de l'année, le 31 décembre, le Trésor a profité de taux de plus en plus bas sur les maturités longues. Le 10 ans aura perdu 67 points de base sur l'année, rendant de plus en plus difficile la création de valeur pour les gestionnaires de fonds des investisseurs institutionnels.

Et alors que les taux sont bas, les actions demeurent volatiles et consommatrices de fonds propres. A l'international, l'alternative à ce dilemme s'est construite autour du non coté, comme l'explique Jean-Marc Picques, conseiller en investissements financiers : «La dette privée, le Private Equity, l'infrastructure et l'immobilier constituent la tendance de fond mondiale».

Mais au Maroc, ces classes d'actifs sont peu profondes ou ne sont pas permises, hormis les placements immobiliers, par la réglementation.

 

Des portefeuilles à risque

Nabil Ahabchane, Directeur général délégué d'Upline Corporate Finance, décrit la situation de l'épargne institutionnelle au Maroc :
«95% des investissements des investisseurs institutionnels sont sur les actions cotées et les obligations. C'est un chiffre sans appel».

Pour lui, ce chiffre montre que l'univers d'investissement des institutionnels n'est pas optimisé. «Si l'on projetait le couple rendement/risque des portefeuilles institutionnels marocains sur une carte mondiale de ce qui existe, ce serait une étoile polaire tellement ces portefeuilles sont risqués». Ces investisseurs doivent travailler sur une meilleure allocation d'actifs, estime-t-il, pour s'adapter aux différents cycles économiques.

La performance serait à rechercher dans cette allocation beaucoup plus que dans l'alpha des marchés. C'est ce qui expliquerait, d'ailleurs, l'explosion de la gestion indicielle dans le monde.

 

Le champs des possibles

OPCVM, Titrisation, Private Equity, OPCI...sur le papier, les institutionnels marocains ont de quoi réduire la concentration de leurs portefeuilles de placement. Mais de l'avis de Nabil Ahabchane, il n’y aurait pas suffisamment d'offres qualitatives sur certains de ces produits comme le Private Equity.

Mais le professionnel estime qu'il ne faut pas s'arrêter à cela. Les institutionnels ont, en effet, un rôle à jouer dans le développement de ces marchés, comme ils l'ont fait pour l'industrie des OPCVM il y a 20 ans. «C'est aux donneurs d'ordre de créer un marché».

Il donne comme exemple les critères ESG qui ont été adoptés, car des fonds ont en fait leur standard. «Mais il faut avoir le courage de faire émerger ses classes d'actifs alternatives».

 

Le MEF prêt à faire un geste

Le ministère des Finances se dit lui conscient que la réglementation ne donne pas suffisamment de souplesse aux gestionnaires pour leur permettre d'orienter leurs placements vers d'autres classes d'actifs.

«Il va falloir responsabiliser les gestionnaires puis leur donner des règles de gestion plus souples», admet le représentant de la tutelle lors d’un événement organisé par la Caisse marocaine des retraites (CMR).

L'orientation du ministère est d'avoir un univers le plus large possible et qui anticipe l'évolution des marchés financiers. L'idée est d'ajouter de nouvelles classes d'actifs puis, à travers des textes réglementaires, fixer d'éventuelles limitations tout en responsabilisant les gestionnaires.

Pour le moment, le ministère octroie des dérogations opportunistes, comme ce fut le cas pour la CMR pour lui permettre, il y a quelques semaines de cela, l'acquisition de 5 CHU placés dans la poche immobilier de ses placements. En temps normal, la Caisse n'a pas d'autorisation réglementaire pour de tels placements.

Une autre évolution serait d'instaurer les mêmes règles de gestion financière à l'ensemble des institutionnels.

L'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) se dit, elle, attentive aux risques générés par les taux bas, susceptibles de mettre sous pression la rentabilité et la viabilité de certaines branches. Assureurs et caisses de retraites tirent l'essentiel de leur rentabilité des marchés financiers, ce qui justifie la vigilance de l'Autorité qui prévoit d'organiser des rencontres avec les professionnels pour discuter de pistes alternatives de placements.

 

Peu de marge de manœuvre pour le moment

En définitive, et si tous les chemins semblent mener vers le non coté pour diversifier les opportunités, la place des produits financiers classiques dans les placements des institutionnels n'est pas mise en danger à cause d'une faible marge de manœuvre dans les allocations d'actifs, au grand bonheur des intermédiaires financiers qui vivent de cette dépendance.

L'une des explications au manque de possibilités réside dans des allocations d'actifs verrouillées. Les raisons sont nombreuses : importance des actifs stratégiques dans les portefeuilles (compagnies d'assurances actionnaires de banques, etc.), manque de benchmark sur certaines classes d'actifs, notamment non cotées.

L'exposition à l'international est également limitée, puisque les engagements doivent être dans la même devise que les placements des compagnies, sauf pour les actifs libres, ce qui reste marginal.  Autant dire que l'arbitrage taux/actions a encore de beaux jours devant lui. ◆

 

 

 

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