Les pays membres veulent boucler le chantier en 2020.

Les noms proposés pour la future monnaie unique sont Eco, Afri et Kola.

Le Maroc serait disposé à l’adopter.

Par David William

Alors que la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) vient officiellement d’entrer en vigueur, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de son côté, s’active pour mettre en place sa monnaie unique. A en croire le président de la Commission de la CEDEAO, l'Ivoirien Jean-Claude Brou, qui s’exprimait lundi à Abidjan, lors d’une réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales, l’objectif est d’achever ce chantier en 2020.

«Pour conforter les avancées qui ont été faites, les chefs d’Etat et de gouvernement nous ont demandé d’accélérer le chantier de l’intégration monétaire en vue d’aboutir en 2020 à la mise en place de la monnaie unique», a-t-il déclaré.

Dans ce cadre, compte tenu de l’échéance, les chefs d’Etat ont demandé que les travaux du Comité ministériel de la Task force soient élargis à l’ensemble des pays membres de la CEDEAO, fait-il savoir.

Cette réunion élargie, achevée mardi, est la première que tient ce Comité ministériel à quelques jours des sessions statutaires des chefs d’Etat de la CEDEAO, prévues le 29 juin. Y a été examiné, entre autres, le rapport de la réunion technique tenue du 13 au 15 juin, notamment ses propositions et recommandations en vue de l’applicabilité de la monnaie unique. Il s’est agi aussi de définir l’état de la convergence macroéconomique, essentielle pour la création de la monnaie, un fonds spécial pour le financement de  la feuille de route. Au menu des discussions également, le nom et le symbole de la future monnaie, ainsi que le choix du régime de change et le modèle de Banque centrale.

D’ailleurs, «il y a eu un consensus autour d’un nom et c'est ce consensus qui va être porté à la connaissance des chefs d’États qui auront à décider», à l’occasion d’un Sommet à Abuja fin juin 2019, a dit à la presse le ministre ivoirien de l’Économie et des Finances, Adama Koné, en marge de la clôture de la session. Trois noms pour la monnaie unique ont été retenus sur un ensemble de 13 propositions. Par ordre, il s’agit de Eco, Afri et Kola.

Dans le pipe depuis plus de 30 ans, ce chantier de monnaie unique est-il réellement sur le point de connaître son épilogue? Adama Koné y croit ferme. Selon lui, la monnaie unique n'est plus une «utopie technocratique. Elle est l'émanation d'une volonté politique pour répondre aux aspirations des populations de notre espace communautaire, depuis maintenant près de 30 ans».

Et le Maroc dans tout ça ?

La problématique de la monnaie unique s’est posée dès la demande officielle exprimée par le Maroc d’adhérer à la CEDEAO, en février 2017. L’idée de l’abandon probable du Dirham a nourri les débats, même si cela semblait très prématuré.

Pourtant, il faudra bien composer avec cette donne. Si l’on s’en tient effectivement à la posture officielle déjà dévoilée par le Royaume sur ce sujet. Le 29 août 2017, l’ancien président de la Commission de la CEDEAO, Marcel De Souza, avait notamment laissé entendre, à l’issue de sa rencontre avec Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, que le Maroc était disposé à adopter la future monnaie unique de la CEDEAO. De Souza déclarait ainsi que le Roi Mohammed VI a indiqué dans une lettre que «le Maroc s'engage à l'adhésion à une monnaie unique le jour où elle sera adoptée par la CEDEAO». Cette perspective, l’on s’en doute, ne réjouit pas certains opérateurs (www.fnh.ma) qui estiment que cette monnaie unique profitera plutôt aux pays à forte croissance et augmentera l’inflation, tout en contribuant au déséquilibre d’une économie nationale qui reste encore fragile.

Pour sa part, Abdellatif Jouahri, le wali de Bank Al-Maghrib, semblait estimer à l’époque que cette question était prématurée. «Avant de venir à la question de la monnaie, il faut d’abord se situer par rapport à tout ce qui régit la CEDEAO, l’existant. Qu’on passe en revue les aspects juridiques, politiques, etc. La monnaie unique est le stade final de toute intégration économique, budgétaire et fiscale», disait-il. Sauf que 2020, c’est demain. Et si tant est que la CEDEAO réussit le pari de mettre en place la monnaie unique, que fera le Maroc ?