Travailleurs occasionnels : l’autre bombe à retardement

Travailleurs occasionnels : l’autre bombe à retardement

 

- Parmi l’ensemble des actifs occupés, 932.000 personnes exercent un travail à titre occasionnel ou saisonnier.

- Certains économistes alertent sur les périls que représente la précarité de près d’un million de travailleurs occasionnels.

 

 

Dans un contexte en proie à la manifestation d’un fort mécontentement par rapport à la cherté de la vie, tout élément factuel à même de renseigner sur les conditions de vie des Marocains, qui se sont tout de même améliorées au cours des dernières années, suscite un grand intérêt.

Pour rappel, en affichant une baisse de 9,4% par an, l'effectif global de la population en situation de pauvreté multidimensionnelle, qui inclut plusieurs critères comme la nutrition, ou encore l'accès à la santé et à l'éducation, est passé de 7,5 millions d'individus en 2004 à 2,8 millions en 2014, soit un passage de 25% à 8,2% entre les deux périodes au niveau national.

Ceci dit, la nature et la qualité du travail constituent un paramètre-clef permettant d’apprécier à la fois le niveau de vie d’une personne ainsi que sa classe sociale. Sachant qu’à l’évidence, un poste de travail décent constitue une source de revenu stable et un moyen privilégié pour accéder à un bon niveau de protection sociale (assurance maladie, retraite, etc.).

Cette vue d’ensemble apporte un éclairage sur un chiffre officiel qui dissimule beaucoup de choses. En effet, le Maroc compte près d’un million de travailleurs occasionnels, soit exactement 932.000 personnes ou 8,7% de l’ensemble des actifs occupés.

Dans un langage plus trivial, cette frange de la population qui ne sait pas de quoi demain sera fait, s’endort chaque soir sans pour autant avoir la certitude de trouver du travail le lendemain.

Au regard de la prégnance de l’incertitude, il est difficile pour ces travailleurs précaires qui ont du mal à assurer le quotidien de s’engager dans des projets personnels somme toute banals (prêts bancaires).

Interpellé sur les dessous du chiffre révélé par la nouvelle enquête nationale du haut-commissariat au Plan (HCP) portant sur l’emploi, Mehdi Lahlou, économiste et professeur à l'Institut national de statistique et d'économie appliquée, confie : «Le chômage déguisé, le sous-emploi et le travail occasionnel sont tous dans la même case».

 

La précarité en toile de fond

 

L’économiste rompu à la complexité du marché du travail national n’a pas manqué de schématiser la précarité de ce type de travailleur. «Un travailleur occasionnel qui réclame le matin une rémunération de 200 dirhams pour la journée, peut, faute de trouver un travail, se contenter d’une rétribution de 50 dirhams en début d’après-midi», explique- t-il. Et d’ajouter : «A défaut de décrocher l’emploi recherché, la même personne peut se retrouver au marché pour vendre des sacs plastiques. En cas d’insuccès ou de maigres recettes, cette personne, qui plus est susceptible d’avoir des personnes à charge, peut se transformer en délinquant et dépouiller les citoyens qui auront la malchance de croiser sa route».

A l’évidence, cette démonstration conforte l’existence d’un lien étroit entre le chômage, le sous-emploi, la délinquance voire la criminalité. Partant, il est tout à fait légitime de se poser la question de savoir si les travailleurs occasionnels ne constituent pas une bombe sociale à retardement.

 

Le reflet de l’économie

 

L’importance du nombre de travailleurs occasionnels confirme une fois de plus l’incapacité de l’économie nationale à générer suffisamment de postes de travail décents et de qualité. Faudrait-il rappeler que plus de 8,2 millions d’actifs occupés ne bénéficient d’aucune couverture médicale au niveau national.

Les difficultés d’insertion au marché du travail sont également liées à la qualité des formations ainsi qu’à l’adaptation de celles-ci aux besoins des entreprises. En définitive, au regard des difficultés que traversent actuellement les caisses de retraite, la situation des travailleurs occasionnels et la consistance du travail non rémunéré qui concerne plus d’1,7 million de personnes, n’augurent rien d’encourageant. ■

 

Par M. Diao

 

 

 

 

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