Stress hydrique : Les révoltés de la soif

Stress hydrique : Les révoltés de la soif

 

Les manifestations des populations des régions lésées deviennent de plus en plus fréquentes. Pour y faire face, l’Etat devrait construire des usines de dessalement de l’eau de mer et de recyclage des eaux usées.

 

 

La problématique du stress hydrique se pose avec acuité ces derniers temps. Plusieurs populations des régions impactées par le phénomène ont manifesté leur ras-le-bol contre la pénurie d’eau. Ces mouvements de grogne deviennent fréquents et interpellent le gouvernement pour trouver des solutions en urgence.

Les régions les plus touchées concernent particulièrement la zone sud et l’est du pays du fait de leur climat aride, comme Zagora, Errachidia, Guelmim, Laâyoune ou Tata. Le niveau de précipitation dans ces zones atteint moins de 200 mm par an, nettement en deçà de la moyenne nationale qui avoisine les 400 mm/an.

Il faut souligner que le potentiel des ressources en eau par habitant est passé de 2.500 m3/habitant/an durant les années 60 à 1.000 m3/habitant/an durant les années 90, et à moins de 800 m3 actuellement. En 2030, la dotation en eau ne sera plus que de 500 m3/habitant/an si le gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires.

Depuis les années 80, le pays est confronté systématiquement à des cycles de cinq années de sécheresse. Outre les aléas climatiques et les contraintes géographiques, ces régions sont victimes d’une utilisation irrationnelle de l’eau d’irrigation : plusieurs exploitants ont lancé des projets gros consommateurs en eau, à l’image de la pastèque à Zagora.

Dans une déclaration à la presse, Charafat Afailal, secrétaire d’Etat chargée de l’Eau, affirme que «l’approvisionnement en eau du pays à long terme dans un contexte de rareté et sous la menace des changements climatiques est un défi à relever. C’est un challenge difficile, mais faisable si l’on s’y prend convenablement dès à présent».

Et d’ajouter : «On se doit d’être optimiste, prendre des décisions et engager des réformes courageuses pour infléchir la tendance de surexploitation des ressources renouvelables, assurer une gestion viable de l’eau et être au rendez-vous».

Le Maroc a pu réussir des projets de grande envergure, dont la généralisation de l’électrification rurale qui atteint actuellement plus de 97% de ses objectifs, mais concernant l’accès à l’eau potable, le pays accuse un retard considérable.

Outre les régions arides, des zones à forte pluviométrie et qui sont proches des sources d’eau, se plaignent elles aussi des ressources insuffisantes en eau potable.

A Ghafsaï, par exemple, qui est à quelques kilomètres du barrage Al Wahda, le plus grand réservoir d’eau du pays avec plus de 3 milliards de m3, les coupures d’eau de plus en plus fréquentes causent des désagréments à la population.

«Les autorités concernées n’ont pas réalisé les investissements nécessaires. Les eaux du barrage Al Wahda sont destinées aux grandes métropoles alors que les petits villages avoisinants sont marginalisés», souligne Rachid Senoune, militant associatif à Ghafsaï.

Pour Charafat Afailal, la sécurité hydrique et l’approvisionnement durable en eau «exige de nous des sacrifices» pour combiner la mobilisation des ressources en eau conventionnelles et non conventionnelles «de plus en plus chères», la gestion  de la demande, la rationalisation et l’efficience de l’utilisation de l’eau et la lutte contre la pollution. Afin de relever ces défis, elle juge nécessaire d’adopter un mode de gouvernance favorisant la participation et la responsabilisation des acteurs dans le respect de la réglementation et basé notamment sur les dispositions de la nouvelle loi relative à l’eau.

Certes, la politique des barrages a permis d’atténuer le stress hydrique mais elle n’a pas résolu le problème dans sa globalité. Bien que les réserves du pays atteignent environ 20 milliards de m3, elles restent insuffisantes pour couvrir les besoins pressants, notamment de l'agriculture, de l'urbanisation, de l'industrie, du tourisme... ■

 


La sécurité hydrique à l’horizon 2030

Outre les mesures d’urgence, le gouvernement s’attèle à trouver des solutions d’ordre stratégique à travers notamment la mise en oeuvre de tous les décrets organiques relatifs à la loi sur l’eau. L’Etat travaille aussi sur l’élaboration du plan national de l’eau en vue de garantir la sécurité hydrique à l’horizon 2030.

La commission interministérielle chargée de résoudre les problèmes d’accès à l’eau potable dans les régions rurales et montagneuses, présidée par le chef du gouvernement, s’est engagée à résoudre les problèmes les plus urgents au plus tard en 2018.

Dans les régions impactées et ayant un accès sur la mer, des usines de dessalement sont programmées comme celles d’Agadir, Laâyoune, ou encore Dakhla. Dans la capitale du Souss, le site produira près de 275.000 mètres cubes d’eau par jour (150.000 m3 pour l’eau potable et 125 000 m3 pour irriguer 13.600 hectares). A terme, l’usine pourra atteindre une capacité de 450.000 m3 par jour.

Sur un autre registre, le gouvernement poursuit la mise en place de stations de traitement des eaux usées au niveau des régions de Souss-Massa, Dakhla et Al Hoceima, en plus de la programmation d’autres unités.

 

C. Jaidani

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