Sous-emploi : ce chômage qui ne dit pas son nom

Sous-emploi : ce chômage qui ne dit pas son nom

 

- Plus d’un million d’actifs sont en situation de sous-emploi

- Un niveau de sous-employabilité important équivaudrait en réalité à une situation de chômage

 

 

L’actualité économique est dominée ces derniers jours par les chiffres inhérents à la création d’emplois. Au-delà de la bataille des chiffres entre le HCP et le ministère de l’Industrie, les chiffres du sous-emploi retiennent l’attention.

Le sous-emploi se caractérise par une sous-utilisation de la capacité productive de la population employée. Il met de facto en perspective les questions liées à la productivité, en termes de revenus, de contribution à la production nationale et de temps de travail.

A noter que les personnes en sous-emploi ont toutes travaillé ou exercé un emploi, mais elles ont la volonté et la capacité d’accéder à un emploi plus adapté. Au-delà de ces précisions, notons que la situation du pays en matière de sous-emploi empire au regard des derniers chiffres officiels. En effet, entre 2016 et 2017, le nombre d’actifs occupés en situation de sous-emploi est passé, au niveau national, de 1.018.000 à 1.044.000 personnes. En conséquence, le taux de sous-emploi est ainsi passé de 9,6% à 9,8% au niveau national. Interrogé par nos soins sur cette évolution préjudiciable, Mehdi Lahlou, professeur d'économie à l'Institut national de statistique et d'économie appliquée de Rabat (Insea) s’est montré peu surpris par les données susmentionnées.

 

Le caractère structurel du sous-emploi

 

«Le sous-emploi est prégnant au Maroc depuis de nombreuses années, avec peu d’activités dans l’industrie. L’autre cause est que l’agriculture qui est très faible dans la production nationale (15% du PIB) emploie près de 45% de la population active totale», confie le professeur versé dans les questions du marché de l’emploi au Maroc.

Il est à noter que la population active occupée sous-employée est en majorité de sexe masculin (87,1%), à moitié rurale (50,1%), jeune ne dépassant pas l’âge de 30 ans (38,2%), diplômée (44,7%) et exerçant un emploi rémunéré (83,6%).

A en croire notre interlocuteur, certaines situations obligent à pousser la réflexion sur le sous-emploi plus loin.

«L’une des problématiques majeures au Maroc est qu’une partie de la population est considérée comme active mais ne dispose pas de revenu. Cette catégorie qui représente aujourd’hui un peu moins de 20% de la population active, a affiché au cours des années précédentes une part de 30%. Toujours est-il que le chiffre de 20% est toujours important», regrette-t-il.

Cette réflexion incite à s’interroger sur la réalité du chômage au Maroc. Un niveau de sous-employabilité important équivaut en réalité à une situation de chômage, puisqu’il y a peu de différence entre une personne qui travaille 2 ou 3 fois par mois et un chômeur.

D’où le terme de «chômage déguisé» utilisé par certains économistes nationaux, incarné par des postes de travail précaires en situation de sous-emploi et qui ont peu d’impact sur la richesse nationale (gardiens de voitures, vendeurs de cigarettes au détail, vendeurs de plastique, etc.).

A ce stade, l’ultime question à se poser est la suivante : quelles sont les implications du sous-emploi sur la dynamique économique du pays ?

D’après le professeur de l’Insea, un secteur caractérisé par un niveau de sous-emploi important contribue nettement moins à la production nationale et affiche donc une réelle incapacité d’améliorer ses revenus. Partant, il existe une nette corrélation entre le sous-emploi et la sous-productivité, avec toutes les implications négatives sur la croissance et le développement. ■

 

 


Disparités régionales et perception mitigée

Quatre régions affichent des taux de sous-emploi supérieurs à la moyenne nationale (9,8% en 2017). Il s’agit des régions de Fès-Meknès (16,2%), Béni Mellal-Khénifra (15,2%), l’Oriental (12,7%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (12,4%). En revanche, d’autres régions affichent des taux inférieurs à la moyenne précitée. Il y a lieu de mentionner les régions de Guelmim-Oued Noun (3,4%), Drâa-Tafilalet (4,5%). Dans un autre registre non moins important, soulignons que la perception des Marocains sur leur poste de travail est mitigée. Près d’un actif occupé sur cinq (soit plus d’1,9 million de personnes) n’est pas satisfait de son emploi et exprime l’ambition de le quitter pour un autre.

A titre illustratif, dans le secteur des BTP, l’insatisfaction provient par ordre décroissant du niveau de rémunération, de l’instabilité de l’emploi, des conditions de travail moins favorables et de l’inadéquation de l’emploi à la formation reçue. ■


 

 

M.D

 

 

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