Sinistralité routière : Mohamed Najib Boulif peut-il stopper l'hémorragie ?

Sinistralité routière : Mohamed Najib Boulif peut-il stopper l'hémorragie ?

Najib Boulif

Alors que la 10ème édition du Salon Auto Expo bat son plein, Mohamed Najib Boulif, ministre délégué chargé du Transport, revient pour Finances News Hebdo sur les grandes lignes de la stratégie nationale de sécurité routière 2016-2025, et les moyens mis en oeuvre pour la réussir. Objectif : réduire de moitié la mortalité sur les routes marocaines à l’horizon 2025. Entretien.

Finances News Hebdo : Durant les trois dernières années, les accidents de la circula­tion ont accusé une baisse moyenne de 17%. Néanmoins, il y a eu une recrudescence des accidents et des drames humains sur nos routes durant le premier trimestre 2016. Quelle est votre nouvelle stratégie pour lutter contre l'insécurité routière ? Et quels messages sou­haiteriez-vous passer aux automobilistes, et éventuellement aux importateurs, au moment où se tient le Salon marocain de l'automobile, Auto Expo ?

Mohamed Najib Boulif : Il est intéressant de rap­peler qu’en 2003, avec une moyenne de 10 morts par jour, un coût socioéconomique d’environ 11 milliards de DH par an, soit l’équivalent de 2% du PIB, et une augmentation annuelle moyenne du nombre de tués de 4,8% entre 1996 et 2003, les accidents de la circulation constituaient un véritable fléau pour notre pays et un obstacle majeur à la réalisation de nos ambi­tions de développement économique et social. Face à cette situation, le Maroc a mis en place une première Stratégie nationale de sécurité routière 2004-2013, et ce avant la résolution des Nations unies qui a consacré la période 2011-2020 comme décennie d’action de la sécurité routière.

Au cours de la période de mise en oeuvre de cette première stratégie, le Maroc a fait des progrès en matière de sécurité routière, qui ont permis de sauver près de 9.210 vies entre 2004 et 2013, et d’épargner des milliers de blessés graves sur la même période. Et comme vous l’avez mentionné, durant les trois der­nières années, le nombre de tués est passé de 4.222 à 3.489, soit une diminution de 17,36%.

Toutefois, si l’on constate qu’il y a eu une nette amélio­ration des indicateurs de la sécurité routière, ils restent insuffisants comparés à ceux des pays développés, notamment lorsqu’on les rapporte au nombre de la population ou au parc de véhicules.

Aussi, et pour combattre l’accidentologie routière sous toutes ses formes, et améliorer les indicateurs précités, le ministère, en partenariat avec l’ensemble des inter­venants de la sécurité routière et avec l’assistance des experts de la Banque mondiale, a décidé de mettre en place une nouvelle stratégie nationale de sécurité rou­tière 2016-2025, pragmatique et ambitieuse.

Cette nouvelle stratégie définit une vision plus exigeante et concentrée sur le long terme pour développer «des comportements responsables et des routes plus sûres au Maroc», et fixe un objectif ambitieux qui se traduit par la réduction, à l’horizon de 2025, de la mortalité routière de moitié par rapport à son niveau actuel (moins de 1.900 tués sur les routes en 2025), avec un objectif intermédiaire de ne pas dépasser 2.800 tués en 2020.

L’approche adoptée pour atteindre ces objectifs est basée sur une analyse et un scanning scientifique des statistiques de l’accidentologie. Cela nous a permis de dégager des enjeux stratégiques pour lesquels le potentiel de réduction du nombre de victimes ou de la gravité des séquelles d’accidents est plus important; à savoir : les piétons (992 décès, 28% de l’ensemble des tués), les 2 et 3 roues motorisées» (852 décès, 24% de l’ensemble des tués), les accidents impliquant un seul véhicule (545 décès, 16% de l’ensemble des tués), les enfants de moins de 14 ans (356 décès, 10% de l’ensemble des tués), le transport professionnel, taxis, autocars et bus (305 décès, 8,7% de l’ensemble des tués). Cette stratégie sera mise en oeuvre à travers deux plans d’actions quinquennaux, 2016-2020 et 2021- 2025. Ces plans d’action reposent sur cinq piliers : gestion de la sécurité routière, routes plus sûres, véhi­cules plus sûrs, comportements plus sûrs des usagers de la route, et actions après l’accident.

Concernant le deuxième volet de votre question, je conseillerai aux automobilistes de respecter d’une part, le code de la route, notamment les règles de circulation, l’entretien régulier de leurs véhicules, et d’autre part, de rester vigilants pendant la conduite, et ce en se montrant courtois envers les autres usagers de la route, qu’ils soient en voiture, en autobus, à vélo ou à pied. En changeant leur comportement, ils peuvent aider à améliorer l’environnement de la conduite. Et de leur dire aussi que la sécurité routière est l’affaire de tous.

F.N.H. : Votre administration est en phase avec les innovations en termes de prévention rou­tière. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre stratégie de lutte contre les risques routiers ? Quel rôle peuvent jouer les nouvelles technolo­gies dans ce sens ?

M. N. B. : Les nouvelles technologies apportent beau­coup à la recherche pour la lutte contre l'insécurité routière. Cependant, elles ne doivent pas conduire à négliger l'importance du comportement humain, facteur numéro un de la lutte contre la délinquance routière.

En effet, les technologies utilisées dans la sécurité recouvrent essentiellement des capteurs embarqués qui recueillent des données et des dispositifs embarqués qui émettent des alertes et prennent partiellement le contrôle du véhicule. Dans ce contexte, le ministère de l’Equipement, du Transport et de la Logistique est à la recherche permanente de toutes les nouveautés concernant les technologies automobiles, et notamment celles qui sont dédiées à la sécurité active ou passive. Ainsi, le ministère a adopté plusieurs technologies en les introduisant dans les exigences réglementaires que doivent respecter certains véhicules neufs en vue de leurs homologations. Parmi ces technologies, on trouve le dispositif antiblocage (ABS), le système de répartition électronique de freinage (EBD), le système de régulation anti-patinage (ASR), et le système de contrôle de la stabilité du véhicule (anti renversement et/ou contrôle de la trajectoire). L’avantage de ces systèmes est qu’ils peuvent avertir le conducteur des dangers potentiels ou se substituer dans une certaine mesure au conducteur pour commander le véhicule afin de chercher à éviter les collisions. Le ministère a également envisagé l’utilisation des nouvelles techno­logies dans la chaîne contrôle-sanction, notamment la mise en place du contrôle automatisé des infractions à haut risque, à savoir la vitesse, le feu rouge… et ce à travers l’implantation de 1.200 radars en et hors agglomération à l’horizon de 2018, et l’équipement du corps de contrôle de la gendarmerie royale de 90 radars patrouilles (radars embarqués dans les véhicules et enregistrant les infractions de dépassement de vitesse autorisée tout en roulant). Cependant, il est important que les conducteurs prennent conscience de la réelle portée de la réduction du danger dont les systèmes électroniques sont capables, et ce afin d’éviter une confiance excessive dans ces dispositifs embarqués.

F.N.H. : L'une des raisons qui explique le niveau élevé de la sinistralité routière tient à l'état mécanique des véhicules. Quelles sont les mesures envisagées par votre département pour moderniser le parc roulant ?

M. N. B. : Selon les données statistiques, la réalité montre que les véhicules pris individuellement contri­buent à hauteur de 2,5% dans les accidents corporels de la circulation, donc l’état mécanique est d’une impor­tance très minime dans l’ensemble des sinistres routiers. Pour remédier à ce problème, le ministère a instauré une incitation financière pour la mise à la casse des véhicules âgés (camions poids lourds et grands taxis), visant ainsi la modernisation du parc roulant, l’économie d’énergie dans le transport routier, en plus des aspects liés à la sécurité routière et l’amélioration de l’environne­ment. Par ailleurs, et afin de rajeunir le parc automobile et éviter que le Maroc ne soit un dépotoir de véhicules d’occasion importés, il n’est plus possible d’importer des véhicules étrangers de plus de 5 ans d’âge, sauf dans certaines exceptions pour les Marocains résidant à l’étranger qui sont à la retraite, et les personnes aux besoins spécifiques. Sachant que pour les remorques et semi-remorques, il est prévu en octobre 2016, le retour à 5 ans au lieu de 7 ans. En plus, le ministère a mis l’accent sur l’amélioration des conditions de contrôle technique en obligeant les centres à perfectionner le niveau du contrôle et la qualité du service.

F.N.H. : Dans le cadre de vos programmes de prévention routière, initiez-vous une démarche concertée avec les professionnels de l'automo­bile ?

M. N. B. : Conscient de l’importance des professionnels dans toute démarche que l’Etat veut adopter dans le domaine de la sécurité routière, le ministère a opté pour une approche participative dans tous ses projets, et notamment ceux qui concernent la prévention routière. Dans ce cadre, et à titre d’exemple, des réunions sont tenues avec les professionnels du domaine de l’auto­mobile (GPLC, Aivam, Amima, Associations des motos, …) dès qu’il s’agit de préparer une décision ou un texte réglementaire à discuter ou des projets à lancer.

F.N.H. : Quelles sont les mesures prises en amont par votre ministère, notamment dans le cadre des importations de véhicules au Maroc, et qui sont susceptibles de réduire la sinistralité routière ?

M. N. B. : Avant qu’un véhicule ne soit exposé à la vente et avant de procéder à son immatriculation, il doit être homologué par les entités spécialisées relevant du ministère. Cette homologation vise à s’assurer que le véhicule est apte à emprunter la voie publique, et ce en contrôlant sa conformité aux dispositions techniques exigées par la réglementa­tion marocaine en vigueur. Cette réglementation ne cesse d’être améliorée afin de répondre au dévelop­pement rapide que connaît le secteur.

Il est à préciser qu’en termes d’homologation, la réglementation marocaine en vigueur est alignée sur les règles internationales des Nations unies et la Commission européenne. Elle est constituée de 102 arrêtés techniques, dont 84 arrêtés touchant l’aspect sécurité des véhicules. Et pour chaque catégorie de véhicules, il y a un certain nombre de règles techniques à respecter et de tests à réaliser en vue de l’homologation (57 règles pour la catégorie M destinée au transport de personnes, 54 pour la catégorie N destinée au transport de marchandises, 27 pour la catégorie O relative aux remorques et semi-remorques, 23 pour la catégorie L concernant les cyclomoteurs, tricycles et quadricycles, et 23 pour la catégorie des véhicules agricoles).

Ce processus d’homologation est une action essen­tielle prise en amont afin de s’assurer de l’état mécanique des véhicules qui vont être introduits dans le parc automobile national.

En bref

Zurich Assurances Maroc : Lancement de «Taawid Rapide»

Après avoir lancé son offre Zurich Auto Plus en mars dernier avec de nouvelles garanties, des avantages tarifaires, une multitude de services annexes et des facilités de paiement inédites, Zurich Assurances Maroc lance le remboursement ultrarapide des sinistres automobiles matériels. La compagnie a baptisé ce nouveau service «Taawid Rapide». Suite à un sinistre, l’assuré contacte l’assistance. Le constateur se déplace sur les lieux de l’accident et se charge des formalités de déclaration du sinistre à Zurich Assurances Maroc.

Directement notifiée par l’assistance, la compagnie notifie à son tour l’intermédiaire et contacte l’assuré immédiatement pour lui proposer une expertise à distance puis suggérer un montant d’indemnisation.

Si l’assuré accepte le montant proposé, il se dirige vers son intermédiaire pour récupérer l’indemnisation.

Ce service offre plusieurs avantages à la fois. Il évite à l’assuré une double déclaration de son sinistre : auprès de l’assistance et de son intermédiaire. Elle décharge également l’assuré de toutes les formalités de déclaration du sinistre. Cette formule permet de fluidifier la procédure de remboursement et de réduire le délai de remboursement à 24h maximum.

Marché de l’occasion : Avito publie son baromètre

Premier site d’annonces en ligne, et premier marché pour la vente et l’achat de voitures d’occasion au Maroc, Avito annonce la publication d’une étude complète sur le marché en ligne de l’automobile. Ce baromètre qui se concentre sur la période 2014-2016, offre de précieux renseignements sur les comportements d’achat des Marocains.

Première information : 1,2 million de voitures ont été mises en vente depuis 2014. Pendant le premier semestre 2016, plus de 78.200 véhicules sont ainsi proposés à la vente chaque mois, contre 56.000 en 2015 et 22.400 en 2014.

En concentrant son analyse sur 417.233 annonces de vente de voitures proposant toutes les informations requises (prix, marque, modèle, kilométrage, type de carburant, etc.), Avito a chiffré la valeur totale des véhicules proposés par le site à 35,7 milliards de dirhams, soit un prix moyen de vente autour de 84.250 dirhams en 2016 (T1), contre 85.080 en 2015 et 88.060 en 2014.

L’étude dégage également un certain nombre de tendances lourdes, notamment sur la popularité des marques automobiles. Sur les trois années observées, Renault, Peugeot et Volkswagen dominent ainsi très largement le marché des annonces en ligne. Ce trio de tête, inchangé depuis 2014, représente à lui seul, 43% du total des voitures mises en vente sur Avito.

Propos recueillis par Charaf Jaidani

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