Satellite Mohammed VI-A : Au-delà de la dimension sécuritaire

Satellite Mohammed VI-A : Au-delà de la dimension sécuritaire

 

Même si la dimension sécuritaire et d’échange d’informations est importante, la maîtrise du nouveau satellite Mohammed VI permettrait de mieux prévoir les récoltes céréalières, paramètre-clef de l’économie nationale

 

Depuis le 8 novembre 2017, le Maroc, à travers le lancement du Satellite Mohammed VI-A, a ouvert une nouvelle page de son histoire spatiale. Le satellite d’observation de la terre qui a été réalisé par le consortium Thales Alenia Space et Airbus pour le compte du Maroc, sera d’une très grande utilité pour les activités cartographiques et cadastrales, l’aménagement du territoire, le suivi des activités agricoles. A cela s’ajoutent la prévention et la gestion des catastrophes naturelles, le suivi des évolutions environnementales, la désertification ainsi que la surveillance des frontières et du littoral.

Au regard du contexte sécuritaire actuel pour ne citer que la pression migratoire, le trafic d’êtres humains, la contrebande, l’instabilité du Sahel et la menace terroriste, l’opportunité pour le Royaume de se doter d’une technologie de pointe, notamment un outil de prévention ne fait aucun doute.

Mais au-delà de la dimension sécuritaire et d’échange d’informations, cruciale du reste, il est judicieux de s’interroger sur les implications économiques du satellite, qui a suscité un sentiment de fierté auprès de l’opinion publique. Faudrait-il rappeler que le Maroc est le seul pays à l’échelle régionale et continentale à disposer d’un tel outil d’observation de haute volée. Ce dernier est appelé à conférer au pays un rôle crucial dans les domaines précités en Afrique et un acteur non moins important pour l’Europe en termes d’échange d’informations.

 

Des interrogations tout de même ?

 

Interpellé par nos soins sur les implications économiques du nouvel outil spatial dont dispose le Royaume, le professeur et économiste, Najib Akesbi, n’a pas manqué de souligner une kyrielle d’interrogations non moins pertinentes : «Au-delà des effets d’annonce, il faut garder à l’esprit que ce n’est pas le Maroc qui a développé la technologie permettant de procéder au lancement du satellite. Le pays est un client qui s’est offert les services d’un fournisseur», assure-t-il, tout en soulignant le caractère passif du pays pour la maîtrise, l’élaboration et le lancement du satellite.

Selon le professeur universitaire réputé pour son franc-parler, le tout est de savoir si le Maroc sera en mesure de développer une expertise et des compétences nationales à même de gérer de bout en bout tout le processus, au-delà des limites que pourrait imposer le fournisseur. En d’autres termes, l’Etat dispose-t-il d’une réelle vision ou d’une politique publique spatiale ? Pour l’heure, difficile d’apporter des éléments de réponse à cette interrogation.

Outre ces questionnements, il est judicieux de faire le parallèle entre l’aspect marchand du satellite et le suivi des activités de l’agriculture, d’autant plus que la croissance économique au Maroc est étroitement liée à l’évolution du PIB agricole. De ce point de vue, c’est un truisme d’affirmer que le chiffre-clef de l’économie marocaine dépend de la récolte céréalière.

«Selon le sérieux, la crédibilité ou encore le caractère farfelu de cette donnée cruciale qui détermine le taux de croissance, tout change», assure Akesbi, qui n’a pas manqué de fustiger l’omerta et la chape de plomb qui entourent depuis près d’une décennie la méthode adoptée par le département de l’Agriculture pour évaluer la récolte céréalière.

Eu égard à ce qui précède, l’utilité du satellite résiderait dans sa capacité à inciter les experts dudit département à préciser la méthodologie utilisée pour quantifier la production céréalière. D’ailleurs, certains experts agronomes estiment que la maîtrise du satellite permettrait de mieux de prévoir les récoltes par une meilleure identification des zones de production.

Cela dit, le lancement du nouveau satellite Mohammed VI-A soulève aussi l’épineuse question de la nécessité de l’amélioration de la gouvernance et de la transparence pour la production et la diffusion des données fiables et l’explication des méthodes utilisées pour déterminer les indicateurs-phares de l’économie nationale. Au chapitre de la prévention des catastrophes naturelles (tempêtes, sécheresse, etc.), force est d’admettre que la capacité du Maroc, avec ce nouvel outil, qui fait des émules à l’échelle régionale, sera autrement plus importante. Sachant qu’au niveau mondial, les dégâts inhérents aux catastrophes naturelles se chiffrent à des milliards d’euros. ■

 

 

Par M. Diao

 

 

 

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