Régionalisation : Il faut mettre les bouchées doubles !

Régionalisation : Il faut mettre les bouchées doubles !

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Après les derniers développements du dossier du Sahara, le Maroc est appelé à acter le projet d’autonomie des provinces du Sud, ce qui devrait renforcer son pouvoir de négociation et confirmer définitivement son sérieux et sa crédibilité.

L’on s’accorde à dire que le mois d’avril 2016 constitue une rupture dans l’histoire du dossier du Sahara et de la gestion du conflit par l’ONU. «Nous pouvons aujourd’hui avancer que la crise évolue vers une situation d’opportunité pour le Maroc», souligne Brahim Fassi Fihri, président fondateur de l’institut Amadeus, dans une note publiée en réaction à la résolution 2285 du Conseil de sécurité. Il estime qu’il est temps de transformer l’essai «en actant définitivement le projet d’autonomie du Sahara, déjà engagé à travers la régionalisation avancée et les élections du 4 septembre 2015». Selon lui, la proposition d’autonomie sous souveraineté marocaine, formulée et présentée en 2007, doit dépasser le simple cadre du projet et être mise en oeuvre sur le terrain. Le Maroc sera de facto renforcé dans le processus de négociation et confirmera son sérieux et sa crédibilité, ainsi que sa bonne foi à la communauté internationale.
«Contrairement aux autres parties prenantes du conflit, particulièrement l’Algérie, les actes de bonne foi du côté marocain se font plus nombreux», soutient Nezha El Ouafi, députée parlementaire du PJD et membre de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. «Le Maroc, dit-elle, a honoré l’ensemble de ses engagements, notamment vis-à-vis de l’ONU, avec une vision claire et crédible». El Ouafi nous rappelle à juste titre la forte participation (soit un taux de 80%, le niveau le plus élevé observé à l’échelle nationale) des habitants des Provinces du Sud aux élections communales et régionales de 2015, preuve d’une parfaite adhésion au choix souverain du Royaume, privilégiant un schéma de régionalisation avancée qui servira de base pour fonder le projet d’autonomie des Provinces du Sud.
La loi organique encadrant les missions et les prérogatives des collectivités territoriales (y compris les instances élues au niveau régional) étant encore récente, il faudra faire preuve de patience avant de voir le train de la régionalisation complètement mis sur les rails. Certes, les instances élues ont déjà pris forme, mais le schéma de la nouvelle gouvernance régionale est loin d’être bouclé. D’où la mise en garde du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui vient d’adopter son rapport sur les «Exigences de la régionalisation et les défis de l’intégration des politiques sectorielles», en émettant une série de recommandations visant à faire de la région un levier de développement économique et humain intégré, inclusif et durable. On retiendra ici celle appelant à ériger le modèle de développement des Provinces du Sud en référence et en plate-forme fondamentale au moment de l’élaboration des fameux Plans de développement régionaux. «Sa Majesté le Roi a bien voulu que les Provinces du Sud soient la première région du Royaume où sera mise en oeuvre la régionalisation avancée», a tenu à rappeler le président du CESE, Nizar Baraka, lors d’un hearing organisé récemment au Congrès US. Rappelons à ce titre qu’en novembre dernier, lors de la visite du Roi à Laâyoune, marquée par le discours historique qu’il a prononcé à l’occasion du quarantième anniversaire de la Marche verte, le Maroc s’était ouvertement engagé à mobiliser un budget de 77 milliards de DH d’investissements dans cette partie du pays, étalés sur les dix prochaines années, avec l’objectif de doubler le revenu par habitant à travers le développement des secteurs de l’agriculture, la pêche, l’écotourisme, les énergies renouvelables et les fertilisants. Une stratégie qui ambitionne de créer 120.000 postes d’emploi, en divisant le taux de chômage par deux. Pour donner de la visibilité aux engagements financiers de chaque partie, des conventions ont été signées entre l’Etat et les Conseils élus des trois régions du Sud, fixant le montant des transferts de l’Etat à 19,2 milliards de DH sur la période 2016 – 2027.
Si la feuille de route de la régionalisation paraît pour le moins tracée, il n’en demeure pas moins que le schéma du projet d’autonomie reste à définir. La régionalisation n’est qu’un préalable.
«Le Maroc a pris l’initiative de proposer le projet. Mais les détails seront fixés lors des négociations», note un membre du bureau politique d’un parti de l’opposition, fin connaisseur du dossier du Sahara marocain. «C’est un acte politique, insiste-t-il, que personne ne peut décrire pour le moment, tant que l’autre partie refuse de négocier». «L’essentiel, selon notre interlocuteur, est de parvenir à un modèle adapté à la fois au contexte politique et à celui régional». Devra-t-il y avoir un seul Parlement pour les trois régions du Sud ou bien va-t-on décentraliser le concept au niveau de chaque région ? Entre la composante politique et celle tribale, quel mode de représentativité adopter ? Des questions qui s’imposeront d’elles-mêmes le moment venu. En attendant, il va falloir réussir le cap de la régionalisation des trois régions du Sud marocain.

Wadie El Mouden

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