Modèle économique : faut-il réinitialiser les compteurs ?

Modèle économique : faut-il réinitialiser les compteurs ?

 

Changer de modèle économique ne fait pas l’unanimité chez les économistes et les faiseurs d’opinions. Mais le jeu en vaut la chandelle à cause des indicateurs sociaux qui laissent à désirer.

 

 

Dire que le Maroc est appelé à revoir son modèle économique, c’est battre en brèche toute une politique économique de plusieurs décennies. En tout cas, le jeu en vaut la chandelle à cause des indicateurs sociaux qui laissent à désirer.

Changer de modèle économique ne fait pourtant pas l’unanimité chez les économistes et les faiseurs d’opinions qui passent au peigne fin les agrégats macroéconomiques et leur impact sur l’inclusion sociale.

D’aucuns plus optimistes, mais conscients des fractures sociales, considèrent qu’une transition est en train de s’opérer depuis que le Maroc a lancé de grands chantiers structurants et des stratégies sectorielles pour accélérer son émergence économique et sociale.

«Des réformes institutionnelles profondes ont été engagées pour accompagner ce processus de développement à travers notamment la mise en œuvre d’une nouvelle Constitution, la régionalisation avancée, l’adoption d’un arsenal juridique relatif à la modernisation de l’économie et à l’attractivité du pays pour les investisseurs nationaux et internationaux», tiennent-ils à rappeler.

Mieux encore, d’après-eux, les pouvoirs publics ont fait de l’industrialisation un levier de développement économique. Les écosystèmes industriels font désormais partie de notre langage économique, et ce en faveur de certains fleurons industriels.

Mais cela ne les empêche pas pour autant de reconnaître que malgré les efforts consentis, la coordination entre les politiques sectorielles fait cruellement défaut. Ils pointent du doigt le taux de chômage des jeunes diplômés qui reste très élevé. Ils remettent en cause le Plan Maroc Vert qui profite aux plus nantis.

Bref, ils restent profondément convaincus que nous ne pouvons faire table rase du modèle actuel et qu’un compromis doit être trouvé entre la croissance économique et la redistribution de la richesse. Ils s’impatientent de récolter les fruits des réformes entamées ou achevées.

 


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D’autres par contre sont très emballés pour le changement du modèle économique actuel, basé sur la consommation et sur l’investissement, qui d’après-eux, a atteint ses limites. Ils arguent leurs propos par l’indice Gini qui mesure l’inégalité du revenu et qui est relativement élevé au Maroc. La mauvaise répartition des fruits de la croissance économique s’observe aussi au niveau des régions.

Au-delà de cette réalité, l’économie marocaine demeure fragilisée par un niveau des inégalités de revenu élevé et des disparités par milieu de résidence en termes de taux de pauvreté et d’accès aux services sociaux importants. Ce constat se reflète sur les classements internationaux notamment en termes d’indice de développement humain : le Maroc se positionne au 123ème rang sur 188 dans le rapport du PNUD de 2016.

Idem, l’indice de développement social élaboré par la commission économique des Nations unies pour l’Afrique montre que des inégalités importantes existent entre différentes régions du pays malgré les améliorations enregistrées entre 2000 et 2015 par le pays dans de nombreux domaines économiques et sociaux.

C’est dire qu’une croissance économique qui ne parvient pas à profiter aux différents pans de la société est basée sur un modèle qu’il faut absolument revoir. D’aucuns sont même sidérés par ce grand intérêt pour le continent africain au moment où le Maroc se débat dans les méandres de l’atonie et de la désespérance.

«J'ai souvent eu l'impression que le cap sur l'Afrique a détourné les acteurs économiques de la réalité nationale alors qu'un marché de 34 millions d'habitants a une énorme capacité d'absorption de produits et services...

si l’on arrive à augmenter le pouvoir d'achat des Marocains. Imaginez les débouchés pour les entreprises marocaines si le revenu moyen par habitant passe 'seulement' de 3.000 à 6.000 $», argumente Hamid Bouchikhi, professeur à l’ESSEC Paris. Il est pour le développement du marché intérieur comme locomotive de développement économique.

Le professeur Bouchikhi estime que le cap sur l’Afrique aurait eu plus de sens s'il était pris par des entreprises industrielles exportatrices, ce qui n'est pas le cas. Quand une banque, une assurance, un promoteur immobilier ou un opérateur de télécoms va en Afrique, il ne génère pas d'emplois au Maroc. A l’instar d’autres analystes, il considère que l'amélioration des revenus est le nœud central dont dépendent les autres pans de l’économie. Le marché intérieur d'un pays de 34 millions d'habitants est énorme si l’on trouve le moyen d'augmenter le pouvoir d'achat et que cette hausse ne se traduise pas mécaniquement par des importations massives.

«A vrai dire, la libéralisation des échanges a été un marché de dupes. Le pays n'a pas investi dans son appareil productif», rappelle Bouchikhi. ■

 

 

S. Es-siari

 

 

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