«Les biosimilaires faciliteront l’accessibilité aux soins contre les cancers»

«Les biosimilaires faciliteront l’accessibilité aux soins contre les cancers»

Lamia Tazi

Grâce à son partenariat avec le russe Biocad, le laboratoire Sothema sera désormais doté de la tech-nologie lui permettant de produire des biosimilaires qui faciliteront l’accessibilité à la prise en charge thérapeutique des cancers. Une première au Maroc et dans la région. Fruit d’un an de travail entre les industriels de la branche et le ministère de l’Industrie, l’écosystème du secteur est fin prêt et dans l’attente de la signature. Lamia Tazi, Directeur général de Sothema, revient également sur l’expérience en Afrique.

Finances News Hebdo : Tout d’abord, pouvez-vous nous rappeler la genèse de ce partenariat avec Biocad et, surtout, quelles en sont les grandes lignes ? Lamia Tazi : Il est utile de souligner d’emblée que la biotechnologie est un domaine nouveau qui propose des thérapies du présent et de l’avenir. Ce sont des traitements largement prescrits en Europe et aux États-Unis. Au Maroc, les princeps existent, mais ils sont extrêmement coûteux. Donc, le citoyen qui ne bénéficie pas de couverture médicale ou qui ne dispose pas des moyens pour se faire traiter, ne pourra malheureusement pas y accéder. C’est à partir de ce constat qu’est née l’idée de développer les biosimilaires qui sont des similaires de produits issus de la biotechnologie. C’est un peu le générique du produit chimique, pour avoir un repère de comparaison, mais contrairement aux produits chimiques, les biosimilaires ne sont pas des produits classiques. Nous sommes partis du principe que les biosi-milaires sont nécessaires pour le Maroc et pour l’Afrique, afin de faire face à la cherté des traite-ments et des moyens limités des populations pour se soigner. Je ne manque pas cette occasion pour saluer le travail formidable accompli depuis plus de 10 ans par la Fondation Lalla Salma de prévention et de traitement des cancers. Et notre souhait, à travers cette signature avec Biocad, est d’apporter une solution efficace et moins coûteuse de traitement des cancers. Partant de là, nous avons longuement travaillé à trouver un partenaire pour développer ces produits spéciaux qui, des années durant, sont restés l’apa-nage des grandes multinationales qui ont juste-ment les moyens d’investir des milliards de dollars ou d’euros pour la production de ces traitements très pointus. Nous avons trouvé sur le marché plusieurs labora-toires qui ont développé ces biosimilaires et dont les dossiers au Maroc ont été rejetés pour diverses raisons. La biotechnologie répond à une réglemen-tation très stricte. La Russie est très investie dans le secteur des bio-technologies et soutient activement les laboratoires privés, notamment Biocad, notre partenaire russe, auquel 30% des 200 millions de dollars investis ont été apportés pour développer une plate-forme de production des biosimilaires. Dix ans plus tard, ce laboratoire a développé une palette de produits que nous avons expertisés. Autant dire que la qualité est parfaite et que ces produits ont fait leur preuve sur le marché russe, en prenant des parts de marché aux princeps. Cela nous a conforté dans notre choix et, à partir de là, le processus de discussion a démarré pour établir le cadre du partenariat, notamment les étapes de transfert de technologies, étudier le marché et rendre le produit accessible pour faire face à l’augmentation de la prévalence des cancers. Force est d’admettre également que nous avons trouvé en nos partenaires russes des personnes professionnelles, très disponibles et à l’écoute. Tous ces éléments ont contribué à la conclusion de ce partenariat signé à l’occasion de la visite royale en Russie. Aujourd’hui, il existe un projet de signature d’un programme de partenariat entre les ministères de la Santé des deux pays pour promouvoir cette technologie.

F.N.H. : Concrètement, quand ce partena-riat prendra-t-il effet ?

L. T. : Le partenariat est effectif et les dossiers ont déjà été déposés au ministère de la Santé. Nous espérons un «Fast Track» pour cette pathologie lourde et coûteuse. Une fois autorisé au Maroc, nous mettons un point d’honneur à le rendre dis-ponible pour le reste du marché africain. F.N.H. : Peut-on dire que ce partenariat constitue le premier jalon de la concrétisa-tion de votre objectif de vous lancer dans la biotechnologie ? L. T. : Nous avons déjà une première expérience avec l’insuline que nous fabriquons et distribuons depuis plus de 30 ans. D’ailleurs, notre usine d’injectables est aujourd’hui la seule au Maroc et même en Afrique, à pouvoir fabriquer ces formes spécifiques. Nous avons reçu de nombreuses pro-positions et nous prenons le temps de les étudier soigneusement.

F.N.H. : Justement, en évoquant cette question de production, vous avez fait le choix de Dakar pour accueillir une usine de fabrication de médicaments, avec à la clé quelque 7 millions d’euros (investissement initial). Aujourd’hui, ce choix s’avère-t-il opportun vu la concurrence déloyale à laquelle vous faites face en Afrique ?

L. T. : C’est un investissement opportun puisqu’il est en phase avec la politique du Maroc, notam-ment de SM le Roi Mohammed VI d’investir dans le continent et promouvoir la coopération Sud-Sud. Et depuis 2009, nous avons concrétisé cette volonté d’accompagner le continent sur ce secteur précis qu’est l’industrie pharmaceutique.

F.N.H. : Les autorités sénégalaises ont pourtant promis de réagir pour débloquer la situation …

L. T. : Pas encore, pour l’instant. Ils sont ouverts à la discussion et sont en train de trouver des solu-tions. Les autorités sénégalaises ont compris que notre objectif est d’accompagner la stratégie qu’ils arrêteront pour ce secteur. Pour l’instant, nous ne produisons pas beaucoup de médicaments, alors que nous sommes censés approvisionner toute la région. La cause est que nos prix de revient ne sont pas compétitifs par rapport à nos concurrents indiens ou chinois. Nous devons également faire face aux canaux informels de distribution des médicaments. En attendant un engagement des autorités séné-galaises, il nous est difficile de continuer à investir dans ce pays, sachant que dès le début, ce sont des partenaires sénégalais qui nous avaient solli-cités pour construire cette usine. Toutefois, nous sommes très confiants en l’ave-nir, puisque le ministère de la Santé du Sénégal s’implique fortement dans la réussite de ce projet. Cela dit, il est utile de préciser que nous réalisons un important chiffre d’affaires dans nos autres représentations africaines.

F.N.H. : Pour revenir au Maroc, le sec-teur aura bientôt son écosystème. En tant qu’acteur de l’industrie pharmaceutique, quelles sont vos attentes par rapport à pareille initiative qui illustre bien le parte-nariat public-privé ?

L. T. : Nous avons travaillé depuis une année avec le ministère de l’Industrie, à travers un cabinet de stratégie, pour créer un écosystème à l’instar des autres secteurs faisant partie du Plan d’accéléra-tion industrielle. Aujourd’hui, les lignes directrices sont identifiées, les zones de travail sont établies, etc. Il ne manque plus que la signature avec le ministre de tutelle. Bien évidemment, le partenariat public-privé se décline en d’autres actions, notamment de soutien à l’export, dans la fabrication des biosimilaires, dans la recherche clinique et dans ces nouveaux métiers qui sont dans l’orbite de l’industrie phar-maceutique.

F.N.H. : Pour finir, un tour d’horizon du comportement de l’activité et ses perspec-tives futures ?

L. T. : Au début de cette politique de baisse des prix du médicament, il était évident de se poser des questions. D’autant plus que l’un des résultats attendus de cette politique est une augmentation des volumes, qui n’a finalement pas eu lieu. Pour Sothema, il y avait un gap à rattraper et cela a été rendu possible grâce aux différents lancements de nouveaux produits. Notons que le marché privé n’a pas trop évolué par rapport au marché public tiré par le RAMED, ce qui signifie une amélioration certaine de la prise en charge des concitoyens par l’Etat, notamment des démunis. A Sothema, nous sommes très ambitieux et confiants notamment grâce à la signature de nou-veaux partenariats et au lancement de nouveaux produits. Nous continuerons également à oeuvrer sur le plan social à travers la Fondation Omar Tazi, et aussi des caravanes médicales, notamment de dépis-tage des cancers et autres pathologies lourdes.

Propos recueillis par Imane Bouhrara

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