Délais de paiement : L’Etat s'engage enfin

Délais de paiement : L’Etat s'engage enfin

Noureddine Bensouda

Le champ d’application des intérêts moratoires, concernant jusqu’ici les marchés publics, sera étendu aux commandes des collectivités territoriales, des établissements publics... ainsi qu’aux bons de commande. Le délai de paiement ouvrant droit aux intérêts moratoires sera désormais réduit de 90 à 60 jours.

Au moment où l’Europe constate une baisse généralisée des défaillances d’entreprises, leur nombre n’a cessé d’augmenter au Maroc, durant les dix dernières années. Le constat émane du directeur de Coface Maroc, Frédéric Louat, qui s’exprimait récemment lors d’une conférence-débat organisée par la CFCIM. Rien ne laisse en effet prévoir un renversement de cette tendance. Pour l’année 2016, dans sa dernière étude, l’assureur-crédit table sur une hausse de plus de 15% du taux de mortalité des entreprises au Maroc, soit environ 6.800 unités.
La principale cause de cette situation alarmante est l’allongement des délais de paiement (privé/privé et privé/public). Pour Coface, le Maroc serait en mesure d’institutionnaliser la pratique des délais longs. Car, même si le nombre de jours de retard s’est réduit au deuxième semestre 2015, cela serait dû surtout à l’accroissement des délais de paiement contractuel. Cédant à la pression de leurs clients, 42% des entreprises devraient accorder des délais contractuels supérieurs à 90 jours (contre 25% au premier semestre 2015). Les observateurs de Coface voient également un risque d’effet domino de ces défaillances, touchant l’ensemble de l’économie, notamment quand il s’agit d’entreprises oeuvrant dans le secteur du BTP qui concentre, à lui seul, 73% des sinistres recensés en 2015, pour la plupart liés à des marchés publics, avec des délais de paiement pouvant atteindre 8 mois !
Conscient de l’ampleur de ce phénomène et de ses répercussions désastreuses sur le monde de l’entreprise, le gouvernement a pris ce dossier très au sérieux en le plaçant au premier rang des priorités du Comité national de l’environnement des affaires. Au bout d’un long processus de concertations, la Trésorerie générale du Royaume a mis en place un projet de réforme qui a été présenté par son directeur, Noureddine Bensouda, lors de la dernière réunion du CNEA. Première nouveauté : le champ d’application des intérêts moratoires, concernant jusqu’ici les marchés passés pour le compte de l’Etat, sera étendu aux commandes des collectivités territoriales (régions, préfectures, provinces, communes) et des établissements publics, ainsi qu’aux contrats d’architectes et aux bons de commande. En effet, le délai de paiement ouvrant droit aux intérêts moratoires, pour toutes les commandes publiques, sera réduit de 90 à 60 jours, dont 45 jours pour l’ordonnancement (à compter de la date de constatation du service fait). Le comptable public aura, quant à lui, 15 jours pour donner son visa et passer au règlement, à partir du moment où il reçoit l’ordonnance ou le mandat de paiement.
Le projet de réforme a le mérite de préciser la date de constatation du service fait pour chaque type de marchés. Elle correspond à la date de signature des attachements (pour les marchés de travaux), de la certification de la facture (marchés de fournitures et services autres que les études), de la certification de la facture ou du procès verbal de validation des rapports ou documents (contrats et conventions de droit commun et bons de commande), du procès-verbal de validation des rapports ou documents (marchés de service d’études et maîtrise d’oeuvre) et, enfin, de la date de certification de la note d’honoraires (pour les contrats d’architectes). Le maître d’ouvrage aura désormais un délai réglementaire maximum de 30 jours pour la signature des documents requis.
S’agissant des rectifications, la réforme de la TGR a fixé un délai maximum de 15 jours pour les accepter. Passé ce délai, les rectifications seront considérées comme étant acceptées par le titulaire de la commande publique.
Le taux des intérêts moratoires est, quant à lui, déterminé sur la base du taux moyen pondéré des bons du Trésor à trois mois souscrits par adjudication au cours du trimestre précédent, majoré d’un point.
Pour accompagner la nouvelle réforme, l’apport technique du système de Gestion intégrée de la dépense (GID) sera crucial. Des modifications y seront apportées pour une meilleure traçabilité du processus de certification du service fait (date de dépôt des documents, certification du service, etc). Il s’agit également d’introduire un dispositif d’alerte sur le risque de dépassement des délais de paiement et de génération des intérêts moratoires. De son côté, le titulaire de la commande publique aura toujours le droit de suivre et de vérifier les informations, notamment l’état d’avancement du processus de certification du service fait.

Wadie El Mouden

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