Marché et concurrence : Quel rôle pour la presse écrite ?

Marché et concurrence : Quel rôle pour la presse écrite ?

Benamour

Belle initiative que celle de la formation dédiée au perfectionnement des journalistes économiques en termes de techniques de rédaction d’articles sur la concurrence et de recherche d’informations, réalisée récemment par le Conseil de la concurrence, en collaboration avec la GIZ.

 

Après une rencontre avec les magistrats et les économistes, l’heure est venue pour se réunir avec les médias afin de mieux rendre compte de l’importance d’une autorité telle que le Conseil de la concurrence (CC) et son rôle éminent dans la régulation du marché. En tant que véhicules de l’information, les journalistes sont appelés à maîtriser les techniques de la concurrence, et ce pour une meilleure vulgarisation du concept auprès du grand public. Mieux encore, ils sont appelés à l’analyser, la mettre en perspective, valider les sources… «Parce qu’au final, c’est bien de l’intérêt du consommateur qu’il s’agit», explique Elke Pickartz, journaliste économique et formatrice. L’idée sous-jacente à un débat sur la concurrence est que le prix d’équilibre n’est pas toujours la résultante de l’offre et de la demande. A noter à juste titre que même dans les théories néoclassiques, la présence d’une autorité de la concurrence s’est avérée importante pour bien réguler le marché et éviter les dérapages. «Il s’agit d’un interventionnisme destiné à rétablir la confiance dans le marché et non pas à l’étrangler», explique d’emblée Abdelali Benammour, président du CC, à l’occasion du séminaire de formation. Il donne l’exemple des Etats-Unis, un pays ultralibéral où l’autorité de la concurrence, très vigilante, inflige parfois des sanctions lourdes en cas de pratiques malsaines. Souvent, le problème est que les opérateurs n’ont pas tendance à aller vers une concurrence complète, mais ont parfois une prédisposition à la concentration. On parle d’ailleurs de la tendance au monopole ou oligopole.
Des situations qui se traduisent par des gains de profitabilité importants pour certains opérateurs au détriment des autres. En effet, si 94,5% des opérateurs marocains considèrent la concurrence comme un facteur de performance, les entreprises n’y sont pas toutes bien préparées et donc pas prêtes à relever les défis de la concurrence. Pis encore, certaines entreprises ne sont même pas conscientes qu’en pratiquant telle ou telle mesure, elles faussent ce que nous appelons dans le jargon économique : la concurrence pure et parfaite. Par ignorance, elles parlent de leurs rencontres dans les salons avec les concurrents sans même se rendre compte qu’il s’agit-là d’ententes strictement interdites par la loi. D’où le rôle des médias à véhiculer ce type de messages. Cette formation se veut une occasion pour mettre en exergue les indicateurs pouvant renseigner sur la concentration dans un marché. On peut citer à cet égard les prix, le nombre d’opérateurs, les marges, les parts de marché, les barrières d’entrée… et la liste est loin d’être exhaustive. En cas de soupçon d’entente, le journaliste est appelé à surveiller les éléments qui militent en faveur de ces pratiques et de poser les questions aux experts sur tous ces indicateurs. Hormis les indicateurs, les sources de l’information de l’existence d’une situation de concurrence dans un marché revêtent également une grande importance pour ce corps de métier qu’est la presse : plaintes, dénonciation, études sectorielles, demande d’avis…, des informations que l’investigateur est amené à vérifier sur le terrain.
La formation donnée aux journalistes a brillé également par l’étude de cas pratiques, avec le soutien des experts du CC, tels que les fusions-acquisitions au Maroc, en France ou en Allemagne, des cas d’abus de position dominante (Orange, l’opérateur historique en France …) qui ont été sanctionnés de lourdes amendes. Le traitement de l’information, sa mise en exergue… et surtout «la titraille» dont la fonction n’est plus à démontrer pour bien vendre un article ont été également au coeur de la formation. Elke Pickartz s’est penchée également sur les techniques de vérification de la fiabilité de l’information dans un monde où l’intox est monnaie courante.

Soubha Es-Siari

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