Campagne agricole 2023/2024: une année noire pour l’agriculture marocaine

Campagne agricole 2023/2024: une année noire pour l’agriculture marocaine

Les importations de blé devraient exploser à plus de 12 millions de quintaux. Les conséquences économiques et sociales se font déjà sentir, avec une pression accrue sur le marché de l'alimentation du bétail et une révision à la baisse du taux de croissance.

 

Par C. Jaidani

L' issue de la campagne agricole 2023/2024 commence à se dessiner. Habituellement, c’est le ministère de l’Agriculture qui dévoile les résultats prévisionnels des récoltes lors de l’ouverture du Salon international de l’agriculture (SIAM). Mais cette année, c’est Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, qui a donné ce chiffre lors de la conférence de presse qui a suivi le Conseil de la Banque centrale. Il s’agit d’une récolte attendue de 25 millions de quintaux, soit une chute de 120% par rapport à la campagne précédente et de 160% comparativement à la moyenne des 3 dernières années.

«C’est l’une des pires récoltes que le Maroc a enregistrées depuis l’indépendance. Ces résultats étaient prévisibles. Depuis le démarrage de la saison lors de l’automne 2023 et le début de l’année 2024, les prémices d’une telle contreperformance se manifestaient déjà. Le cumul pluviométrique était trop bas et l’état végétatif des plantes défavorable. Il y a eu beaucoup d’espoir pour que les apports hydriques du premier trimestre 2024 puissent redresser la situation, mais leur volume était insuffisant», résume Abdelmounaim Guennouni, ingénieur agronome. Et d’ajouter que «la situation des agriculteurs marocains et du monde rural en général devrait se compliquer davantage. Après six ans de sécheresse, ils ne pourront pas entamer la prochaine saison sous de bons auspices, puisque l’actuelle campagne s’est déroulée dans de mauvaises conditions. Faute de trésorerie, de nombreux fellahs n’ont pas entamé les travaux d’emblavement de leurs terres qui n’ont pas dépassé dans tout le territoire national 2,7 millions d’hectares. Alors que dans les saisons normales, cette superficie culmine à plus de 4,3 millions d’hectares. Le même scénario devrait se poursuivre la prochaine saison  : la plupart des agriculteurs seront contraints de réduire leurs investissements et les charges d’exploitation afin de minimiser les risques».

En effet, les prix des intrants se sont inscrits ces dernières années en hausse. Malgré l’augmentation des prix à la vente, les fellahs n’arrivent pas à dégager des marges suffisantes. Les éleveurs, eux aussi, représentent la communauté la plus impactée par la sécheresse. Le marché du bétail vit depuis un certain temps de fortes perturbations. L’offre est en deçà de la demande, ce qui explique la hausse soutenue des prix de la viande rouge et des produits avicoles. «Les résultats médiocres de la campagne agricole devront se répercuter sur le marché de l’alimentation de bétail, et plus particulièrement la paille et l’orge. Ces deux produits ont connu dernièrement une flambée record, atteignant plus de 60 DH la botte de paille et 6 DH/ kilo pour l’orge. Le secteur de l’élevage restera toujours sous la pression de ces contraintes», explique Guennouni.

Au niveau économique, l’effet des mauvais résultats de la campagne agricole se fait sentir directement sur la croissance. Bank Al-Maghrib a annoncé que le taux de croissance pour l’année en cours a été révisé à la baisse, passant de 3,2% à 2,1%. Avec cette récolte, le volume à importer devrait exploser pour atteindre pas moins de 12 millions de tonnes de céréales, soit une facture de plus de 2,25 milliards de dollars.

Le gouvernement est appelé à lancer un nouveau programme d’accompagnement au profit des fellahs à travers des subventions et autres aides à la production afin d’inciter les exploitants à démarrer la saison 2024/2025 et s’intéresser aux travaux du sol. Un effort budgétaire colossal est attendu de la part de l’exécutif, qui devrait faire des arbitrages pour équilibrer les finances publiques. Au niveau de l’emploi, le monde rural a perdu pas moins de 200.000 postes en 2023, selon le hautcommissariat au Plan (HCP). La baisse des activités agricoles devrait alourdir davantage le niveau du chômage dans les campagnes en 2024.

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