Article 8 bis du PLF 2017 : L’Etat mauvais perdant

Article 8 bis du PLF 2017 : L’Etat mauvais perdant

 

Cet article rend les fonds et les biens de l’Etat et des collectivités territoriales insaisissables. Ironie du sort, en 2015, le PJD estimait que cette disposition était anticonstitutionnelle.

 

Les débats autour des projets de Loi de Finances ont toujours été passionnants et passionnés. Ceux concernant le budget actuel ne dérogent pas à la règle, quand bien même on a cru qu’ils allaient être cosmétiques, eu égard au retard enregistré dans la formation du nouveau gouvernement.

Pour le Projet de Loi de Finances 2017, on sort quelque peu des sentiers battus : on ne se chamaille plus à cause de dispositions fiscales, mais plutôt à cause d’un «petit» article qui fait actuellement bien grand bruit. Il s’agit de l’article 8 bis du PLF qui interdit la saisie des biens de l’Etat et des collectivités territoriales suite à des décisions judiciaires. «Les créanciers détenant des obligations ou des décisions judiciaires définitives contre l’État ou les collectivités locales ne doivent demander l’exécution que devant les ordonnateurs auprès de l’administration publique ou des collectivités concernées», précise l’article, qui indique que «les fonds et les biens de l’État et des collectivités locales ne peuvent en aucun cas faire l’objet de saisie». Suffisant pour créer une polémique monstre. Quand les uns dénoncent le caractère anticonstitutionnel de cette disposition, ses défenseurs brandissent, en quelque sorte, l’intérêt supérieur de la Nation, quitte à soustraire l’Etat aux lois du Royaume.

Driss Azami Idrissi, président du groupe parlementaire du PJD, a tenu à apporter quelques éclaircissements par rapport à cet article 8 bis, qui comporte deux dispositions majeures. Selon lui, la première prévoit l’exécution de toute décision judiciaire définitive qui oblige l'État ou les collectivités territoriales à verser une indemnisation financière, au plus tard dans un délai de 60 jours à compter de la date de notification de la décision judiciaire, dans la limite du budget des crédits ouverts au budget. Dans le cas où ces fonds ne suffisent pas, le paiement pourra se faire «sur les budgets des années suivantes». L’ordonnateur sera donc seul maître à bord ce qui, logiquement, ouvre la voie à toutes les dérives.

La deuxième disposition stipule justement l’interdiction de saisir les fonds et les biens de l’Etat et des collectivités territoriales.

L’objectif, selon Idrissi, est de créer un équilibre entre l’intérêt privé et l’intérêt public. «En effet, d’un côté elle tend à mettre en place les mécanismes et procédures pour garantir les exécution des décisions judiciaires définitives, et de l’autre assurer la continuité du service public en interdisant la saisie des fonds et des biens du département public qui assure des services vitaux aux citoyens», ajoute-t-il.

La continuité du service public : c’est donc l’argument brandi aujourd’hui par la majorité gouvernementale pour faire passer cette disposition qui, ironie du sort, avait été largement critiquée par le parti au pouvoir, le PJD, lorsqu’on avait tenté de l’insérer dans la Loi de Finances en 2015. Le PJD disait alors que cette mesure était anticonstitutionnelle.

Aujourd’hui, tout porte à croire qu’on est en train de glisser d’un Etat mauvais payeur à un Etat mauvais perdant. Et c’est là tout le problème : même si un tribunal prononce un verdict favorable au citoyen, l’Etat peut s’y soustraire, tout   ce qui lui appartient ne pouvant être saisi. Les constitutionnalistes et autres juristes crient déjà au scandale. Et si cette mesure passe, il est fort probable que la Cour constitutionnelle soit appelée à trancher. ■

 

Par D. William

 

 

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