70ème anniversaire des Nations unies : Un bilan mitigé

70ème anniversaire des Nations unies : Un bilan mitigé

Siege Onu

Le 25 juin 1945 à San Francisco, les vain­queurs de la Seconde guerre mondiale : Etats-Unis, URSS, Royaume-Uni et Chine, établissent la Charte des Nations unies dont le but est de préserver le monde du fléau de la guerre, élargir et protéger les droits fondamentaux de l’Homme, maintenir la justice inter­nationale, et favoriser le progrès économique et social.

C’est le 24 octobre 1945 que la Charte des Nations Unies fut ratifiée par les Etats membres. Par la suite furent mises en oeuvre les institutions des Nations unies : l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle, la Cour internationale de justice et le Secrétariat général.

Ce 24 octobre 2015 coïncide donc avec le 70ème anni­versaire de l’ONU, qui est fêté partout dans le monde, sous le thème «Une ONU forte pour un monde meil­leur». Le Maroc, qui a adhéré à l’ONU dès son indépen­dance, a également participé à cette commémoration, par une sensibilisation des jeunes sur le rôle de l’ONU, l’illumination en bleu du Chellah à Rabat comme 150 autres monuments à travers le monde, un colloque organisé par le ministère des Affaires étrangères, une exposition photographique et un timbre poste commémoratif. Notre pays a toujours été actif, tant au siège de l’ONU à New York que dans les institutions spécialisées de l’organisation. Il a notamment participé par l’envoi d’effectifs militaires à plusieurs actions de maintien de la paix dans le monde. L’intérêt du Maroc pour l’ONU est autrement plus vif que c’est cette orga­nisation qui gère le dossier du Sahara.

Il y a plusieurs aspects positifs de l’action de l’ONU depuis sa création. C’est, en effet, la seule arène globale multilatérale où les 193 pays membres se ren­contrent lors de l’Assemblée générale et discutent des problèmes du monde sur tous les aspects : politique, économique, social et environnemental. Le Secrétaire général actuel de l’ONU, Ban Ki-Moon, a déclaré à juste titre que «Chaque jour l’ONU améliore les condi­tions de vie, vaccine des enfants, octroie de l’aide alimentaire, procure des abris aux réfugiés, prône la démocratie, l’égalité des sexes, les droits de l’Homme et l’Etat de droit». Dans le monde d’aujourd’hui, qui est devenu très complexe, l’ONU constitue une organisa­tion consultative et inclusive, qui doit répondre à plu­sieurs enjeux tels que la paix et la sécurité, le dévelop­pement économique et social, les droits de l’Homme, mais aussi le changement climatique, la lutte contre la pauvreté, la violence à l’égard des femmes, la protec­tion du patrimoine culturel et immatériel. C’est ainsi que la pauvreté dans le monde a été réduite de moitié durant les quinze dernières années. Les institutions spécialisées de l’ONU édictent des normes internatio­nales qui s’appliquent progressivement dans tous les pays dans de nombreux domaines : santé, éducation, postes et télécommunications, protection de l’enfance, patrimoine mondial. Les fameux «Casques bleus» sont envoyés là où des conflits naissent, et y jouent un rôle d’interposition entre les parties adverses. L’ONU tente également de mettre en pratique ses principes fondamentaux que sont l’égalité souveraine des Etats membres, l’interdiction du recours à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance de tout Etat, l’assistance des Etats membres aux actions de l’ONU. Enfin, la 70ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, qui s’est tenue en octobre 2015 a établi un pro­gramme de développement durable à l’horizon 2030, pour un monde plus sûr, plus équitable, plus juste et sans pauvreté.

Cependant, le bilan de l’ONU, à ce jour, n’est pas totalement positif. Le Général de Gaulle l’avait traité de «Machin», et les résultats ne sont pas tous probants. C’est ainsi que la résolution des conflits et la pré­servation de la paix, qui sont les principaux objectifs de la Charte, n’ont pas été atteints. On peut citer, à titre d’exemple, le génocide du Rwanda en 1994, le massacre de Srebrenica en juillet 1995, le problème israélo-palestinien, qui n’est toujours pas résolu, et la guerre civile en Syrie, qui a fait 250.000 morts et des millions de réfugiés, et qui aujourd’hui encore continue. Sur le plan de la pauvreté, malgré les efforts de l’ONU une grande partie de l’humanité continue de vivre dans la misère (2,1 milliards de personnes disposent de moins de 2 $ par jour).

Cette incapacité de l’ONU à agir efficacement pour préserver la paix et la sécurité est due à son organi­sation, à la composition et aux pouvoirs du Conseil de sécurité. Ce dernier est constitué de 15 membres dont 5 permanents disposant du droit de véto exorbitant pouvant bloquer toute résolution. Les bénéficiaires de ce droit de véto (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie), l’utilisent chaque fois que leurs intérêts ou leurs alliés sont menacés. C’est ainsi que les Etats-Unis l’ont systématiquement utilisé pour protéger leur allié Israël, et que la Russie a fait de même pour la Syrie. La composition de ce Conseil de sécurité ne répond plus au monde actuel qui est différent de celui de 1945. En effet, l’Afrique, qui pèse un milliard d’habitants n’a pas de siège permanent, de même que les pays de première importance économique tels que l’Allemagne, le Brésil, l’Inde et le Japon. Plusieurs tentatives de réforme du Conseil de sécurité n’ont pas abouti à ce jour. Il y a lieu également de revoir l’organisation des Nations unies, qui est devenue trop lourde avec 20 institutions spécialisées pléthoriques et peu efficaces. Il faut également qu’elle donne une plus grande place à la société civile, aux ONG, au milieu des affaires, au monde académique et aux organisations régionales.

En conclusion, l’ONU, qui est la «demeure de l’huma­nité» est une institution indispensable pour préserver la paix et pour faire face aux nombreux problèmes qui se posent au monde. Mais elle a absolument besoin de se réformer pour être plus efficace.

 

Jawad Kerdoudi, Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

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