On a pris une bonne dose de jazz à l'Uzine lors du concert de Majid Bekkas à l’occasion de la Journée internationale du Jazz, décrétée par l'Unesco le 30 avril.
Jazz ? Musique de flamme et de cœur. Passages complexes, les climats passent de fouilles dans l’atonalité hors tempo à des rythmes soutenus, avec changements de métrique à l’intérieur d’un même morceau : c’est la cacophonie du jazz. Aussi, l’autorité naturelle qui n’émerge que dans le jeu, n’a jamais tourné à l’autoritarisme; les acolytes contribuent aux créations à parts égales.
Muni de ses différents instruments (guembri, guitare, ngoni, kalimba), maâlem Majid Bekkas nous a fait voguer autour «de sa voix empreinte de mysticisme poétique dressant des passerelles entre cultures arabo-berbères et d'Afrique subsaharienne et Jazz dans une fusion gorgée de spiritualité».
Amoureux des belles mélodies et des tempos enlevés, avec des passages complexes là où on ne les attend plus. Lorsque Majid Bekkas ferma les yeux, il mit place à l'improvisation. Ses grandes mains commencent à s'agiter. Il bat les cordes de sa guitare électrique, toujours avec une rythmique percussive, comme s’il était toujours sur le guembri. Il en abuse, donnant ainsi libre cours à ses idées mélodiques, éculées parfois, surprenantes le plus souvent. Pourvu que ça sonne bien. Ça sonne juste ! «Africaaa» chante sa voix rauque et chaude qui remue les tripes. Il l'étire tant qu'il peut, jusqu'à un ultime instant fiévreux. Le tempo accélère, il tangue, transcendé, parcourant la scène de bout en bout. Une vague d'euphorie gagne le public. Il se soulève, crie, applaudit avec ferveur.
On a vu ce qui se fait de mieux en matière d’un jazz parfumé aux essences soul, saupoudré de blues, mêlé de funk, allié de rock, accommodé à la sauce afro. Le saxophone geignard se superpose, un piano qui sonne ample comme une batterie sursautant; l’ensemble a permis à chacun de se donner toutes les libertés et, dans ce cas précis, en toute égalité dans la fraternité des solos et impros partagées.
Il y eut beaucoup de mélanges, tantôt subtils, tantôt explosifs, souvent hardis, qui ont chaviré un public dont la majeure partie est imperméable au jazz pur et dur. Aussi bien que les auditeurs se sont contentés de se laisser bercer isolément par les sons et les rythmes, ils ont communié dans le jazz !